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GOUVERNER LA MISERE
Description
FICHE DE LECTURE :
Titre de l’ouvrage : GOUVERNER LA MISERE
La question sociale en France 1789 – 1848
Année : 1993
Auteur : Giovana Procacci Nbre de pages : 353
Editeur : Le Seuil
Plus que de faits, c’est d’idées qu’il s’agit ici. L’originalité de ce livre «d’Histoire» est de ne s’intéresser qu’à la misère et son gouvernement. On y trouve donc une analyse fouillée des pensées, des théories qui ont permis aux économistes, politiciens, sociologues…, de faire face à la pauvreté dans la construction d’une société nouvelle .
Sous l’Ancien Régime, le peuple est pauvre et la mendicité pratique courante ; à cette époque l’»histoire de la pauvreté est souvent vue comme celle d’une marginalité criminelle». La pauvreté posera à la Révolution de 1789 une question fondamentale : «faire face à la pauvreté des Nations. Ce sera la question sociale. En France cette question apparaîtra liée à la question du travail, lien qui découle de la théorie libérale qui ne pense à la misère qu’en terme de manque de travail. Au début du XIXème siècle, le développement de l’industrie, l’apparition du prolétariat, le maintien de la misère malgré le travail, viendront poser un problème épineux : Comment justifier l’inégalité dans une société fondée sur l’égalité ? Les enjeux politiques de la question sociale, l’analyse libérale tentera de les éliminer en interprétant la misère comme un problème moral. La Révolution de 1848 viendra prendre le relais «réduisant l’inégalité que la misère rend manifeste à une différence dans le degré de socialisation qui permettra de justifier l’opposition riches-pauvres en la présentant comme une question d’appartenance au corps social».
L’avènement de la société moderne, comme le montre ce livre n’a pas été seulement «un formidable changement dans la façon de traiter la richesse», entraînant comme causes malheureuses le dépeuplement des campagnes, l’urbanisation forcée, et la paupérisation des classes populaires. Elle a été aussi un changement dans la façon de traiter la pauvreté. Il a fallu «faire l’analyse des causes de la misère et des remèdes comme un devoir relevant moins de la pitié que d’une politique de stabilisation du corps social».
Ce ne sont là que quelques éléments de ce livre qui nous apprend beaucoup sur ce qu’a été la politique sociale républicaine. Et devant les limites de ce «gouvernement de la misère» au XIXème siècle, il nous conduit tout naturellement vers cette pauvreté actuelle dont le visage semble être celui de l’exclusion et de la marginalisation.
Citons l’auteur dans sa conclusion : «c’est une reconnaissance politique qui fait défaut aux exclus : devenir citoyens, non pas dans leurs ghettos de banlieue, mais à part entière, au coeur de la cité».
Un livre qui exige une lecture attentive, mais très enrichissant.
Ce livre «d’Histoire» nous apprend beaucoup sur ce qu’a été la politique sociale républicaine pour faire face à la pauvreté dans la construction d’une société nouvelle. Progressivement, la façon de traiter la misère évolue : l’inégalité que la misère rend manifeste deviendra différence de socialisation qui pourra justifier l’opposition riches – pauvres ; une manière de présenter la misère comme une question d’appartenance au corps social. Et, peu à peu, nous nous trouvons devant la pauvreté actuelle avec ses manifestations qui sont l’exclusion et la marginalisation.