Le groupe local de Brest a créé en 2017 un site internet pour diffuser largement les écrits des militants Quart Monde. Chaque semaine, une dizaine de membres se retrouvent dans cet “atelier convivial de partage, d’expression, d’apprentissage et d’éducation numérique”.
Ils sont quatre ce matin de janvier dans le local d’ATD Quart Monde de Brest, masqués bien sûr : Valérie, Andrée, Guy et Patrick, allié animateur de la partie écriture de l’atelier “Lirecrire numérique”. Monique, alliée animatrice de la partie numérique de cet atelier, est en visio, comme Sandrine et Françoise. À l’écran, on peut voir leurs sourires.
“On vit un bel exemple avec cette visioconférence ! Avant, nous n’aurions jamais su échanger ainsi à distance”, fait remarquer Monique, fière des progrès réalisés par chacun depuis le lancement de l’atelier, il y a trois ans, avec le soutien matériel de la Ville de Brest.
Bloqués dans les démarches administratives, hésitants et inquiets d’avancer dans cet univers qui utilise des mots bizarres, ils sont une vingtaine à être venus à l’atelier hebdomadaire. Pour écrire, partager et s’initier au numérique : apprivoiser l’ordinateur, envoyer un mail avec sa pièce jointe, faire une recherche sur Internet… En février 2017, l’équipe a créé le site www.atd-lirecrire.infini.fr pour diffuser, sans limite, la parole des “sans voix” et les motiver à travailler ensemble leurs textes. Il enregistre 80 000 visites depuis sa création.
Pédagogie de la coopération
Sandrine a été transformée par cette expérience. Mère, militante Quart Monde et véritable ambassadrice de l’atelier dans les réunions extérieures ou à la radio locale, elle avoue : “Je ne me serais pas lancée dans la formation OSEE (Osons les savoirs d’expérience de l’exclusion) sans tout ce que j’ai appris ici, et sans la confiance que cela m’a donné”.
Françoise apprécie l’écoute mutuelle dans le groupe : “On arrive avec des questions et elles sont prises en compte. Nous avons confiance les uns dans les autres. Et quand on a compris quelque chose, on l’apprend aux autres.” Une pédagogie de la coopération chère à Monique. “Ici le temps n’est pas limité, on peut réfléchir ensemble”, se réjouit Valérie.
Sensibilisation aux logiciels libres
Les apprentissages pratiques, c’est bien, mais l’objectif est aussi d’aller au-delà. “Le numérique est partout, il ne s’agit pas d’être pour ou contre, on n’a pas le choix, il ne faut pas rester à côté”, assure Monique, enseignante à la retraite, qui ne veut pas que l’exclusion numérique s’ajoute aux autres.
Sauter dans le bain des réseaux sociaux fait peur. Alors l’atelier a ouvert en novembre un compte Twitter, @Lirecrire29, pour apprendre à utiliser ce réseau, mais aussi les applications de messagerie instantanée, de façon positive et responsable. Andrée reconnaît : “je suis inquiète avec tout ce qu’on entend”. Elle a juste installé WhatsApp pour échanger avec sa fille en Australie. Face à ces applications, Monique entend sensibiliser les participants aux logiciels libres. “Ils ne sont pas liés aux intérêts financiers des grands groupes américains et mondiaux, cela fait partie de l’éthique du numérique”, argumente-t-elle.
Cet atelier convivial de partage, d’expression, d’apprentissage et d’éducation numérique a bien une dimension citoyenne. Il faut oublier la technique et réfléchir ensemble. Le numérique est une nouvelle culture de l’échange et de la responsabilité. Les personnes en situation de pauvreté doivent pouvoir y accéder, et l’enrichir de leur expérience, de leur pensée. L’atelier Lirecrire numérique de Brest
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de mars 2021.
Photo : Sandrine, Monique et Andrée pendant un atelier Lirecrire, avant le confinement. © ATD Quart Monde