A l’issue de la journée de rencontre et d’échanges entre professionnels, institutionnels et parents en situation de pauvreté organisée à Lens le 23 septembre 2023, les participants ont livré à chaud leurs réactions.
Les parents sont sortis soulagés, après plus de deux heures de restitution de leurs travaux. Eux qui se nomment désormais “amis de galère” ont trouvé dans ce projet une manière de “se libérer de la honte”. Face à une trentaine de professionnels, ils n’ont pas hésité à se dire “en situation de pauvreté”, à exprimer leurs difficultés, leurs besoins et leurs envies. “On est fier de les connaître, d’avoir assisté à un processus de connaissance mutuelle dans le collectif, qui leur a permis de libérer leur capacité d’apprendre, de grandir, de changer et de transmettre”, exprime Agathe Hérubel, volontaire permanente ayant accompagné le projet à Béthune.
“Nous avons passé un message fort. Ils l’ont entendu et ils vont le transmettre à leur tour. C’est la sincérité qui parlait”, souligne Priscilla Derouck, membre du groupe des parents. “Les professionnels ont autant à apprendre de nous que nous avons à apprendre d’eux. Ils doivent comprendre la pression de toujours bien faire qu’ils nous mettent, mais nous devons aussi apprendre à admettre nos problématiques et que les professionnels soient en capacité de les entendre. Pour eux, ce n’est pas simple. Ils manquent de moyens, c’est parfois comme le travail à la chaîne et ils passent à côté de solutions qui pourraient pourtant changer beaucoup de choses pour nous”, détaille-t-elle. Sabrina Debeaussart, également membre du groupe des parents, se réjouit pour sa part d’avoir trouvé “une vraie amitié” dans ce groupe. “Cela nous aide de savoir que les autres ont vécu la même chose. On ne se sent pas seul”, souligne Nathalie, qui ne souhaite pas publier son nom de famille.
Répondre aux besoins “de manière fine”
Guénaëlle Mekouontchou, sous-directrice chargée de l’action sociale à la CAF du Pas-de-Calais, a terminé cette journée “motivée pour contribuer au changement, aussi modeste soit-il, et avec l’envie de poursuivre quelques petites expérimentations locales”. “Cela peut bénéficier par capillarité à toutes les familles que nous accompagnons”, ajoute sa collègue responsable de l’action sociale, Sophie Delmarre. “Pour nous, c’est rare d’être confrontés directement aux personnes concernées par nos actions. Ces témoignages nous irriguent dans nos politiques. On voit que le positionnement des professionnels n’est souvent pas adapté, c’est l’un des grands enjeux qui ressort de ce travail”, constate Maria Yousfi, chargée de mission à la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS).
Stanislas Rousteau, responsable adjoint du département Insertion et cadre de vie à la Caisse nationale des allocation familiales, a pour sa part été marqué par l’idée de “construire avec les familles, de partir de situations réelles pour élaborer des politiques publiques, sans venir plaquer des bonnes idées, mais en répondant de manière très fine aux besoins”. Pour Love Andrieu, chargée de mission à la DGCS, la “commande” des parents est claire : “nous devons aider les parents à faire ce qu’ils veulent faire, mais en mieux. Nous avons entendu, maintenant il faut insuffler cet élan”.
Cela prendra encore certainement du temps avant que chacun fasse évoluer ses postures et ses manières de faire. La prochaine étape sera l’organisation d’un webinaire, le 2 décembre, au cours duquel l’équipe des volontaires permanents partagera ce qu’elle a appris. Chacun pourra ensuite tirer des bénéfices de ce projet pour contribuer à une meilleure compréhension de ce que signifie être parent d’un enfant en situation de pauvreté.
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de novembre 2022.
Photo : Moment de lecture entre Marie, Maëlys et Enzo. © ATD Quart Monde