Volontaires permanents d’ATD Quart Monde, Nicolas et Blandine Castanet Charoy sont installés à Alès depuis 2021 pour mener la démarche Aujourd’hui Tissons Demain, autour des enjeux sociaux et environnementaux.
Quelle est l’origine de la démarche Aujourd’hui Tissons Demain ?
Depuis la création du département Écologie et Grande pauvreté en 2018, beaucoup de réflexions ont été menées au sein d’ATD Quart Monde sur les liens entre les urgences écologique et sociale. En 2019, une journée de travail a été organisée au Centre national d’ATD Quart Monde, à Montreuil, pour réfléchir à la manière de déployer une expérimentation écologique comprise, choisie et praticable par des personnes affrontant la pauvreté. Au fil des mois, nous avons posé les bases de la démarche que nous avons baptisée Aujourd’hui Tissons Demain. Puis, nous avons cherché un territoire propice à cette expérimentation.
Quels étaient les critères de recherche ?
Un territoire accessible en transports, marqué par les difficultés économiques, et où nous pourrions nous appuyer sur une dynamique associative, que ce soit dans le champ de la solidarité ou de l’environnement. Nous avions besoin de nous allier à d’autres, de nous former et d’intégrer des réseaux. Notre choix s’est finalement porté sur le bassin minier d’Alès, dans le Gard.
Des rencontres ont été déterminantes, tant avec des associations locales de solidarité qu’avec le réseau du CPIE du Gard (Centre permanent d’initiatives pour l’environnement). Ce dernier était aussi dans une démarche pour faire émerger des envies autour des questions environnementales, sans arriver avec des projets prédéfinis. Cela nous a aidés à envisager sereinement notre installation, en août 2021.
Comment se sont déroulées les deux premières années ?
Il s’agissait d’une phase d’implantation et de découverte du territoire. L’objectif était de se lier à des personnes qui vivent la pauvreté et à des partenaires, de participer à des actions existantes et de créer des espaces d’échange. Ayant trouvé un logement à Cendras, nous avons un ancrage naturel dans cette ville, dans laquelle nous avons découvert une dynamique sociale, culturelle et écologique intéressante.
À Alès, nous avons investi différents lieux que fréquentent les personnes en situation de galère, comme le Collectif des chômeurs et précaires, mais aussi la Cantine solidaire du quartier de Rochebelle. Pour susciter les échanges, nous avons proposé dans cette cantine un café-discussion, deux fois par mois. Nous nous sommes également impliqués dans des jardins collectifs à Alès et Cendras. Nous avons été soutenus financièrement pendant cette période par la Fondation de France.
Quels enseignements tirez-vous de cette phase d’exploration ?
Après avoir exploré de nombreuses directions possibles, nous devons maintenant faire des choix. Beaucoup d’initiatives existent autour des enjeux environnementaux d’une part, et du lien social et de la solidarité d’autre part. Nous voulons créer des ponts entre ces univers.
“L’écologie, c’est la vie“, comme nous l’a dit une personne rencontrée, donc c’est un sujet très vaste. Nous voulons réfléchir à la manière dont nous intégrons la question de la pauvreté et des inégalités sociales aux réflexions et actions menées face aux bouleversements environnementaux, et inversement. La question de l’habitat est revenue à plusieurs reprises lors de nos rencontres. L’idée est d’aller vers un projet construit avec les habitants, à l’échelle du quartier.
Comment envisagez-vous la démarche dans les prochains mois ?
Nous voulons explorer plus particulièrement cette question de l’habitat, toujours en allant interroger les personnes affrontant la pauvreté pour savoir quelles actions collectives auraient du sens pour elles. Il s’agit de réfléchir au logement, mais aussi à tout ce qui est autour : la manière de vivre ensemble dans un même quartier, les espaces communs, les possibles mutualisations de charges, les mobilités…
La démarche s’oriente actuellement vers deux quartiers anciennement miniers, à Cendras et la Grand-Combe. Autrefois très vivants, ils sont aujourd’hui beaucoup moins peuplés et attractifs. Nous pouvons trouver notre place dans ces évolutions, faire le lien avec les habitants, les bailleurs sociaux, les associations et la municipalité pour réfléchir ensemble aux conditions d’un habitat durable et solidaire. Pour cela, nous avons des liens avec un collectif de locataires à Cendras, avec l’équipe d’Eco’loge Toit à la Grand-Combe, très active sur la question de la précarité énergétique et des écogestes…
Ces idées sont des champs des possibles qui s’ouvrent à nous, mais nous ne nous fermons pas de portes. Au cours des prochaines années, nous allons explorer ces pistes avec les habitants. Si jamais il n’y avait pas d’avancées significatives, nous aurons de toute façon identifié des obstacles et nous pourrons partager ce que nous aurons appris des actions menées.
De quels soutiens avez-vous besoin localement et au niveau national ?
Sur le territoire, toutes les personnes intéressées pour réfléchir à la question de l’habitat social face aux enjeux environnementaux sont les bienvenues. À distance, nous avons un groupe national, avec Agnès, Karine et Mariejo, des alliées qui nous soutiennent pour les aspects pratiques et logistiques, la recherche de compétences et d’expériences inspirantes, pour approfondir ce que nous apprenons… Nous souhaitons étoffer cette équipe, baptisée “les compagnols”, pour rechercher des financeurs, assurer la communication, gérer notre base de contacts…
Pour en savoir plus sur la démarche Aujourd’hui Tissons Demain : atdemain@atd-quartmonde.org
Ce portrait est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de novembre 2023.
Photo : Nicolas et Blandine Castanet Charoy veulent créer des ponts entre la question des inégalités sociales et les enjeux environnementaux. © ATD Quart Monde
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