La fermeture des écoles a révélé avec plus d’acuité les inégalités sociales et la fracture numérique.
Depuis le début du confinement, Élodie et Vincent, militants Quart Monde, jonglent entre les devoirs de leurs deux filles aînées de 8 et 6 ans et les soins à leur bébé de 4 mois. Chaque jour, ils s’installent avec leur fille, Alicia, pendant près de 5 heures pour l’aider à faire ses devoirs. La petite fille est en CE2 et sa maîtresse envoie chaque jour un programme pour la journée. « Ce n’est pas évident, on ne s’improvise pas maître ou maîtresse comme cela, mais notre grosse crainte, avec ce confinement, est qu’elle prenne du retard par rapport à son programme. Cela nous fait peur », constate Vincent.
Le couple doit également gérer l’école à la maison pour leur seconde fille, Mélissa, en grande section de maternelle. Les devoirs des deux petites filles, envoyés sur le téléphone portable car la famille n’a pas d’ordinateur, peuvent être imprimés à la maison. « Nous passons beaucoup de cartouches d’encre, cela a un coût financier important », souligne Élodie.
Fracture numérique
Pendant cette période de confinement, la fracture numérique se fait terriblement sentir. Des familles doivent partager l’accès à l’ordinateur pour quatre ou cinq enfants, d’autres ne disposent pas d’Internet à la maison et se sentent totalement perdus face aux dizaines de documents à imprimer envoyés par les professeurs. « La semaine dernière, juste pour la prof d’allemand, il a fallu que j’imprime 53 feuilles », témoigne ainsi une mère de famille hébergée dans un foyer.
Certains établissements scolaires ont mis à disposition des familles des ordinateurs ou des tablettes. Cela ne permet cependant pas à tous de travailler dans de bonnes conditions. « Moi je trouve qu’emprunter une tablette, c’est prendre des risques. Mes enfants ne font jamais attention, pour moi c’est risquer de la casser. Je vais quand même la prendre pour ma fille parce que je suis dans le besoin », explique une autre maman.
« Les gens sont confinés dans leur foyer et une préoccupation importante pour les familles concerne surtout le travail scolaire des enfants. C’est le problème majeur évoqué par les familles que j’ai eues au téléphone », constate Élodie, volontaire permanente. De nombreux membres d’ATD Quart Monde se sont ainsi mobilisés pour soutenir les parents et faire en sorte que le confinement n’accentue pas davantage encore les inégalités. Ainsi, à Marseille par exemple, des alliés ont proposé des cours de français par Skype à des jeunes, tandis qu’en région Auvergne-Rhône-Alpes des ateliers de soutien scolaire se sont mis en place sans entrer dans les appartements, en restant dans le couloir.
Engagement des enseignants
La plupart des enseignants ont également conscience des difficultés rencontrées par de nombreuses familles et tentent de garder le lien avec leurs élèves malgré le confinement. « Je vois des parents qui parlent mal français, et qui, par téléphone, essaient de me dire qu’ils ne peuvent pas aider leur enfant parce qu’ils ne comprennent pas. Je vois des enfants qui veulent bien faire, mais qui n’ont plus les aides nécessaires à la maison. Je vois des enseignants qui s’activent, à l’excès, avec l’espoir de combler l’absence d’école, et qui se sentent coupables de ne pas y arriver », témoigne une enseignante en école élémentaire.
« Je leur dis de ne pas essayer de faire comme moi, parce que ce n’est simplement pas possible ; pas seulement parce qu’ils ne sont pas enseignants, mais aussi parce qu’il existe un contexte en classe, que l’on ne peut reproduire à la maison : émulation des autres enfants, appui sur les erreurs des autres, explicitations des stratégies et procédures, travail en binôme et travail en groupe, ateliers… », conclut-elle. Julie Clair-Robelet
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Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de mai 2020.
Photo : École à la maison. © JCR, ATD Quart Monde