Hausse du nombre d’expulsions, baisse des aides au logement, manque de logements sociaux… Michel Platzer, chargé du département Logement d’ATD Quart Monde, dénonce la “dégradation des conditions d’accès des plus démunis au logement”.
Le 25 janvier, partout en France, des membres d’ATD Quart Monde se sont mobilisés, avec d’autres associations, contre la proposition de loi Kasbarian-Berger. Ce texte prévoit de criminaliser les locataires précaires, empêchant tout travail sérieux d’accompagnement et retirant à la justice son pouvoir d’appréciation. Adopté en première lecture au Parlement, il doit être soumis à une seconde lecture à partir du mois d’avril avant d’être adopté. Pour Michel Platzer, chargé du département Logement d’ATD Quart Monde, ce texte de loi est « une étape supplémentaire dans la dégradation des conditions d’accès des plus démunis au logement”. Son objectif est en effet notamment de condamner à 7 500 euros d’amende les locataires du parc privé qui ne partent pas d’eux-mêmes de leur logement après un commandement de quitter les lieux prononcé par la justice. Alors que le squat d’une résidence principale ou secondaire est déjà puni par la loi d’un an de prison, de 30 000 euros d’amende et d’une expulsion sans jugement en 48h, le texte prévoit le triplement des sanctions encourues pour occupation illicite, passant à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
Gâchis financier et humain
Face à ces peines “inimaginables pour des personnes qui sont en général parmi les plus précaires”, Michel Platzer estime urgent de “mettre en place une réelle politique du logement qui partirait de la question : comment loger tout le monde. Et non une politique des aides au logement, complètement insuffisante”. Alors que 4,15 millions de personnes sont aujourd’hui mal logées en France, il rappelle en effet que l’État n’a eu de cesse, ces dernières années, de réduire les aides au logement, ce qui a un impact direct sur le non-accès au logement social des plus pauvres. “Des dizaines de milliers de familles, notamment en Île-de-France, sont maintenues dans les centres d’hébergement, pendant des années. Ces centres ne peuvent plus jouer leur rôle, qui est celui d’héberger momentanément les personnes qui en ont besoin. L’État dépense ainsi des centaines de millions d’euros pour l’hébergement d’urgence, alors que le principal fautif c’est lui-même avec la baisse absurde des aides au logement”, explique Michel Platzer.
Il prend ainsi un exemple concret : “le prix d’une place en centre d’hébergement est en moyenne de 10 000 euros par an et par personne. Cela représente donc un coût de 50 000 euros pour une famille de cinq personnes. Cette famille est sur la liste des demandeurs de logements sociaux, mais il lui manque 300 euros de ressources par mois pour accéder au logement social. Donc, l’État ne va pas donner à cette famille les 3 600 euros par an qui lui permettraient d’avoir son propre logement, mais il va dépenser 50 000 euros pour l’héberger, dans des conditions souvent inacceptables. On est dans le gâchis financier et humain le plus total”.
Un système “fondamentalement vicieux”
Pour Michel Platzer, s’il est nécessaire aujourd’hui de revaloriser les aides au logement, ce n’est cependant pas la solution idéale. “Ce système des aides au logement pour accéder au logement social est fondamentalement vicieux. Il met tous les attributaires de l’APL à la merci d’une évolution des aides d’une année sur l’autre. Si les aides diminuent, les restes à payer augmentent, donc les impayés augmentent, donc les risques d’expulsion… Une politique d’aide n’est pas saine, il faut la remplacer par une politique dans laquelle le logement social construit est structurellement accessible à tout le monde. Ce n’est pas du tout le cas aujourd’hui”, regrette-t-il.
Cet article est extrait du dossier du Journal d’ATD Quart Monde d’avril 2023.
Photo : Un hôtel social à Paris. © François Phliponeau, ATD Quart Monde