École de production Eccofor : “On avance à notre rythme”

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Ils sont 18 jeunes actuellement en formation à Eccofor, motivés pour apprendre un métier ou poursuivre des études.

Dans la petite salle de cours sans chauffage, qui sert aussi de salle à manger, Clément et Mickaël, 16 ans tous les deux, s’appliquent à fabriquer de petits cadres photo en carton. “Quand je leur ai demandé de couper au millimètre près, de faire des rectangles, des angles droits et des diagonales, cela les a fait râler, mais ils l’ont fait et maintenant ils s’appliquent bien”, constate Monique, l’une des bénévoles qui gère l’atelier cartonnage tous les mercredis pendant cinq semaines.

De l’autre côté du mur, dans le garage, Lancina, 19 ans, teste des pneus. Sur le site de la métallerie, à quelques kilomètres, Moussa et Mikel sont penchés sur une soudure qui leur pose problème, pendant qu’Abdoulaye, Rahman et Babakaloga font des soustractions pour savoir exactement où ils devront découper leur pièce métallique.

Atelier philo

Qu’ils soient là depuis quelques jours ou plus de 2 ans, tous ont désormais l’habitude de cette variété d’activités qui rythme leur journée de cours à Eccofor. Apprentissages théoriques et productions se succèdent, entrecoupés de cours de français et de maths, mais aussi d’ateliers culturels et artistiques.

Le dernier atelier philo avait pour thème ‘Où suis-je ?’. Cela permet de discuter, de mieux comprendre les manières de vivre de chacun. On en a profité pour faire du slam”, explique Lamine. Volontaire permanent d’ATD Quart Monde, il est depuis quelques mois lui aussi redevenu élève. Après quelques années passées à Madagascar, il découvre, à 41 ans, le travail au garage, au milieu de montagnes de pneus, dans le froid jurassien. « C’est une première pour moi. Mais si j’arrive à acquérir les compétences nécessaires, j’aimerais monter une structure semblable en Afrique pour aider des jeunes.” Il fait ici figure de “grand frère” pour les autres élèves, qui n’hésitent pas à lui demander des conseils sur de nombreux sujets.

Se raccrocher à l’école

La première année, ce n’était pas facile, parce que je ne suis jamais allé à l’école”, explique Lancina, originaire de Côte d’Ivoire. “Je connaissais un peu la mécanique. Ce n’est pas vraiment un choix, mais il faut bien trouver un métier. Aujourd’hui, je suis plus à l’aise. Mon objectif est d’avoir mon diplôme et de trouver un emploi.”

Pour Noah, 16 ans, déscolarisé pendant près de 6 mois, “c’est un peu dur de se remettre au rythme de l’école”. Il découvre la métallerie depuis un mois. “Je ne suis pas sûr d’avoir mon CAP, mais ça m’a motivé pour me raccrocher à l’école. Beaucoup de choses ont changé dans ma vie”, souligne-t-il.

Quelle que soit la difficulté, si on s’accroche, à la fin ça vient tout seul”, confirme Traoré, 17 ans, qui n’est jamais allé à l’école. Ahmed, 18 ans, est là depuis une semaine. Arrivé de Côte d’Ivoire il y a un an, il a été accueilli par l’Aide sociale à l’enfance qui l’a “mis dehors à 18 ans”. Aujourd’hui, il observe avec attention chaque geste réalisé par les maîtres-professionnels.  “Je n’arrive pas trop à voir le futur, mais je suis sûr que ça ira maintenant.”

Accompagnement global

Clément, 16 ans, lui, allait à l’école, mais dans son collège “ça n’allait pas trop”. C’est l’infirmière scolaire qui lui a conseillé de jeter un œil à ce que proposait Eccofor. “Avant, à l’école, tout le monde était dans le même sac. Ici, si on a un problème, on avance à notre rythme. Je me sens chez moi.” Pour Rodolphe, maître-professionnel depuis 4 ans, c’est effectivement “un accompagnement global et au quotidien” qui est proposé à l’École de production. « Quand ils arrivent, certains élèves sont des fauves. Ils ne sont pas allés à l’école depuis plusieurs années, ou n’y sont même jamais allés, et on les a toujours dénigrés. Petit à petit, ils prennent les codes du travail et de l’école, ils apprennent à se lever le matin, à dire bonjour… Ils sont très demandeurs et veulent s’en sortir.”

Le fonctionnement de l’école bouscule aussi les pratiques des professionnels qui viennent y enseigner. “On est dans l’échange, on apprend sur nous aussi“, souligne Robert, chef d’atelier. “C’est un travail d’adaptation constant, c’est ça qui est intéressant. Certains n’ont rien autour d’eux, à part le foyer de jeune travailleur. Ici, ils sont écoutés. De temps en temps, on discute. Ce n’est pas 5 minutes de perdues, ce sont des heures de gagnées, car si ces jeunes malmenés par la vie viennent se confier, c’est qu’un vrai lien s’est construit. Il faut faire attention de ne pas fermer la porte par une maladresse”, ajoute Éric, maître-professionnel.

La confiance dans l’avenir, Mikel l’a retrouvée. Ce jeune homme de 17 ans, arrivé d’Albanie il y a 3 ans, ne tarit pas d’éloges sur l’École de production. “Il y a une énorme différence entre ici et le collège classique.Tu n’es pas avec 25 élèves, tu ne changes pas chaque heure de salle de cours, tu n’as pas de note, et ça c’est super. Il n’y a pas de contrôle, on fait des CAP blancs, mais c’est pour nous aider. Les profs viennent vers nous pour nous réexpliquer ce qu’on n’a pas compris, alors qu’au collège, ils n’ont pas le temps.” Après son CAP, il aimerait continuer en bac pro en alternance et, pourquoi pas, poursuivre les études ensuite en BTS pour travailler dans le design. “C’est beau d’apprendre je trouve”, conclut-il. Julie Clair-Robelet

 

 

 

Pour en savoir plus, commander le livre Zéro jeune en échec. Eccofor, une école de production pour la réussite de tous sur le site des Éditions Quart Monde

 

 

Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de janvier 2020.

Photos : Eric, maître-professionnel, et Mikel, élève de la métallerie © Carmen Martos, ATDQM

Les élèves de la métallerie  avec leurs maîtres-professeurs. © Carmen Martos, ATDQM

Lancina, élève au garage d’Eccofor, décembre 2019. © Carmen Martos, ATDQM

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