La dématérialisation des procédures pour déposer une demande de titre de séjour a permis aux préfectures de réduire les rendez-vous proposés, empêchant l’accès aux droits pour nombre de personnes étrangères.
“Cela fait plus d’un an que j’essaie. Je suis tous les jours sur mon téléphone et jamais de rendez-vous ! Je suis désespérée.” Amina, jeune lycéenne de 20 ans, a dû passer par un référé « mesure utile » déposé devant un tribunal administratif dans le cadre d’une campagne interassociative en Île-de-France. Les magistrats lui ont donné raison et une injonction a été faite à la préfecture de lui donner un rendez-vous dans un délai d’un mois. Mais trois mois après, elle attend toujours. Comme des centaines d’autres…
Car nombreux sont celles et ceux qui ne peuvent renouveler ou obtenir des titres de séjour et, par là, accéder à leurs droits. C’est notamment le cas des familles, des personnes demandant l’admission exceptionnelle au séjour par le travail, des personnes malades et en particulier des jeunes majeurs qui ne peuvent obtenir un titre de séjour indispensable à la poursuite de leurs études ou de leur formation dans les délais pourtant fixés par la loi.
Un enjeu politique
La dématérialisation est devenue le seul moyen d’accéder aux préfectures, comme à de nombreux services publics. Cette pratique est illégale depuis un arrêt du Conseil d’État de 2019 qui a demandé le maintien d’une alternative, d’un accueil physique, d’une possibilité de dialogue avec des agents au guichet.
À juste titre : les bénévoles de Réseau Éducation Sans Frontières, de la Ligue des Droits de l’Homme ou de la Cimade font tous le même constat durant leurs permanences : l’outil numérique est peu adapté à une population parfois précaire, sans ordinateur ou téléphone moderne, peu à l’aise aussi bien avec le maniement de l’écrit que dans la poursuite de démarches administratives complexes.
Mais si les préfets font la sourde oreille, c’est que l’enjeu est politique : ce qui était présenté comme une modernisation, source de progrès, dissimule en fait une volonté de diminuer les moyens humains et une baisse drastique des rendez-vous proposés. Lise Faron, de la Cimade, résume : “ces pratiques visent à dissuader les personnes de venir en France ou d’y rester”.
Ainsi, l’État fabrique des sans-papiers, alors que déposer un dossier est un droit et que l’égalité d’accès au service public est un principe constitutionnel. Une situation qui justifie la réaction collective des associations, qui attaquent l’État en justice et se mobilisent sur le terrain. Jean-Michel Delarbre, Militant de la Ligue des droits de l’Homme et du Réseau Éducation Sans Frontières
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