L’accès à des sanisettes est une préoccupation majeure des personnes vivant dans la rue. Alliée d’ATD Quart Monde, Martine Cramard souhaite, dans son témoignage, interpeller les pouvoirs publics sur cette question. Elle pointe également la nécessité d’écouter les besoins des personnes en situation de pauvreté.
Je suis alliée du Mouvement ATD Quart Monde depuis 25 ans, engagée à l’Université populaire Quart monde d’Ile-de-France. Je suis particulièrement en lien avec des personnes qui ont connu la rue et d’autres qui la connaissent encore.
Jeudi 24 décembre au soir, comme promis, j’ai rejoint une femme, Annie, que je connais depuis une quinzaine d’année et que je rencontre une à deux fois par mois, le soir, au McDonald’s, où elle peut lire et se reposer.
Depuis que les restaurants n’accueillent plus de public, elle ne peut plus y passer ses soirées, s’asseoir à table pour manger et boire chaud, ni utiliser les toilettes du lieu. Je la retrouve sous un porche près du métro Châtelet. Quand je suis arrivée, elle était assise sur son duvet, ses sacs auprès d’elle. J’avais apporté de quoi dîner, une thermos de thé et un petit tabouret.
Dès mon arrivée, j’ai compris que quelque chose n’allait pas. Annie était en colère : toutes les sanisettes proches étaient hors service et ne seraient probablement pas réparées durant ce long week-end de congé. Pour aller aux toilettes, il lui faudrait abandonner son duvet et ses affaires et marcher longtemps. Durant ce temps passé ensemble, Annie n’a presque rien mangé de ce que j’avais apporté et elle n’a rien bu tant elle appréhendait la suite : où aller aux toilettes ? De nombreuses personnes se sont arrêtées pour lui offrir de la nourriture ou une boisson chaude. À chaque fois, Annie a refusé, parfois avec véhémence. Ce n’est pas de cela dont elle a besoin.
Comme beaucoup, je me sens démunie face à ces personnes qui dorment dans la rue, dans l’inconfort, le froid, la pluie, et sans aucune intimité. Mais ce soir-là, j’ai réalisé qu’un des services essentiels dont Annie a absolument besoin, à Noël comme pendant tous les autres moments de l’année, c’est un accès à des toilettes propres et qui fonctionnent.
Merci à tous ceux qui en ont la responsabilité, à Paris et ailleurs, de garantir l’accès à des toilettes publiques à tous, et merci aux utilisateurs de respecter ces lieux. C’est une question de dignité. Martine Cramard
Photo : Wikimedia Commons