La Dynamique Enfance a sillonné la France pour construire ce Mooc à partir de reportages et de témoignages des membres des Bibliothèques de rue.
Quelques petits tabourets bleus, une couverture et des livres pour tous les goûts. Cela fait presque trois ans que les animateurs de la Bibliothèque de rue de Reims s’installent chaque semaine au cœur du quartier Croix-Rouge. Leur venue est maintenant très attendue par les enfants, mais il a été nécessaire d’aller les chercher au départ, en faisant du porte-à-porte dans les immeubles voisins. Patiemment, les membres de la Bibliothèque de rue se sont fait connaître. “Cela ne peut pas se faire autrement, parce que les parents n’ont pas envie de confier leurs enfants à des inconnus qui passent. C’est vraiment une aventure au début”, détaille Pascale Laurent, animatrice.
Avant de commencer, les membres de la Bibliothèque de rue de Lunéville ont quant à eux réfléchi pendant six mois à leur projet, à son implantation, ont rencontré des acteurs du quartier… Un temps de préparation “fondamental”, pour Laurent Lehuen, animateur. En s’installant dans un quartier très dégradé de la ville, ils ont d’abord été touchés par la réaction des enfants : “ils tenaient eux-mêmes à ce que la Bibliothèque de rue soit un beau lieu”. Lors des premières séances, un enfant a ainsi pris l’initiative d’apporter un sac poubelle et de ramasser “tous les trucs moches qu’il y avait autour, les bouts de verre, les mégots, les vieilles boîtes de conserve… C’était extraordinaire, il a compris qu’on voulait que ce soit un lieu en l’honneur des enfants”, se souvient Laurent Lehuen. Lorsque l’équipe installe son chapiteau, “quatre poteaux, un toit blanc pointu et ouvert aux quatre vents, par tous les temps”, des cris fusent : “il y a les livres”. Des enfants arrivent alors de partout.
Un cadre sécurisant
Pour l’équipe de la Bibliothèque de rue de Lunéville, l’essentiel est de tisser des liens de qualité avec les familles et les enfants. « On arrive avec une petite bulle de confort, on essaye de créer une atmosphère un peu feutrée dans laquelle les enfants vont avoir envie de se poser. Une belle natte, des coussins colorés qu’on a fabriqués nous-mêmes, des petits bancs en bois”, décrit François Fisson, animateur. Un “cadre sécurisant” est mis en place dans ce lieu ouvert, afin de permettre à chacun d’avoir un regard sur ce qui se vit avec les enfants.
Les animateurs et animatrices veulent avant tout avoir une présence de qualité auprès des enfants. “Pour nous, les livres les plus précieux de la Bibliothèque de rue, ce sont les enfants, avec les histoires qu’ils apportent. Nous essayons vraiment de tourner les pages de leurs histoires très soigneusement”, souligne François Fisson.
Le défi est d’aller chercher ceux qui ne viennent pas spontanément. L’animateur se souvient ainsi d’un enfant qui restait à l’écart. Les autres avaient dit : “lui, c’est pas la peine, il ne parle pas”. Et pourtant, dès le départ, il a aidé l’équipe à s’installer. “Même s’il ne parle pas beaucoup, grâce au livre, il réagit, s’exprime de plein d’autres façons que par le langage.” Quand la Bibliothèque de rue se termine, en croisant les adultes, les animateurs “essayent le plus possible de leur refléter la beauté de leurs enfants”.
Oser la rencontre
La Bibliothèque de rue est aussi l’occasion de créer un espace de rencontres avec les habitants d’un quartier. Pour Christine Géroudet, volontaire permanente en Alsace, il est ainsi nécessaire que des animateurs restent disponibles pour aller vers les adultes qui passent et vers ceux qui regardent, du haut de leurs fenêtres, sans oser venir ou en avoir la possibilité. “Chaque samedi, je suis émerveillée de voir combien le fait d’oser la rencontre est hyper important. Cela apporte des liens merveilleux”, constate-t-elle. Elle précise qu’il ne s’agit pas de “rentrer dans l’intimité des gens”. “Si on dérange ou que quelqu’un n’a pas envie de nous ouvrir, ce n’est pas grave. Il n’y a pas de façon de faire, il y a une façon de croire que la rencontre, ça vaut la peine”, souligne Christine Géroudet.
À la Bibliothèque de rue de Pontoise, un grand-père se souvient ainsi de ses “réticences” quand il a vu arriver l’équipe d’ATD Quart Monde. “Des gens que l’on ne connaît pas et qui viennent bénévolement, on n’a pas l’habitude. Mais ils sont venus nous parler et ça, c’est énorme. Ils nous ont expliqué leur projet”, témoigne-t-il. “Nous, on a été rejeté à l’école. Il y en a pas mal qui ne savent pas lire et écrire, mais là on ne veut plus ça. On est des gens du voyage ou de cité et on veut que nos enfants sachent lire, écrire, aient un boulot”, précise cet homme.
Gérer les imprévus
Tout n’est cependant pas toujours simple et il est aussi de temps en temps nécessaire de gérer les imprévus ou les conflits. Parfois, les enfants ne viennent pas ou tous s’éparpillent d’un coup, parce que l’un d’eux a proposé une autre activité. L’ambiance dans le quartier peut aussi rendre difficile une installation sereine. Ainsi, à Lunéville, la Bibliothèque de rue vit souvent “dans un boucan d’enfer, avec des jeunes qui viennent tester leur mobylette jusqu’à la limite de la natte”, décrit François Fisson. L’équipe a “tiré un certain nombre de leçons” de ces situations compliquées. “Nous sommes simplement des hôtes sur ce quartier. Certains habitants nous accueillent avec respect et bienveillance, d’autres nous tolèrent et d’autres nous font sentir que nous sommes des étrangers, des ‘gadjé’ et que nous sommes sur leur terrain”, explique l’animateur.
Tous les témoignages présentés dans le Mooc de la Dynamique Enfance mettent en avant l’engagement des animatrices et animateurs pour créer un lien de confiance et le conserver, pour se réinventer et faire face à de nouveaux défis. À l’image de Laurent Lehuen, tous souhaitent que leur action fonctionne dans la durée et ils savent qu’ils ont besoin pour cela que “les habitants du quartier s’approprient le projet et le démultiplient”.
Pour s’inscrire au Mooc, ouvert du 8 janvier au 30 juin : https://moodle.atd-quartmonde.org/
Pour se renseigner, devenir animateur ou créer une Bibliothèque de rue près de chez vous : dynamique.enfance.france@atd-quartmonde.org
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de janvier 2022.
Photo : La Bibliothèque de rue de Montreuil. © ATD Quart Monde