Près de 1000 personnes ont manifesté mardi 24 octobre 2023 près de l’Assemblée nationale, à Paris, pour demander davantage de moyens financiers pour l’expérimentation dans le projet de loi de finances pour 2024.
“Nous sommes harassés par les injustices, par le fait que des personnes ne puissent pas rejoindre l’expérimentation parce que les moyens ne seraient pas au rendez-vous. Nous en avons marre d’entendre qu’il n’est pas possible d’éradiquer la privation durable d’emploi”, a affirmé Laurent Grandguillaume, président de Territoires zéro chômeur de longue durée. Devant près de 1 000 personnes venues de toute la France pour manifester près de l’Assemblée nationale, il a rappelé que le budget annoncé par le gouvernement pour 2024, 69 millions d’euros, ne permettait pas d’embaucher de nouvelles personnes dans les 58 territoires expérimentaux ni d’habiliter de nouveaux territoires.
“Plus de 25 territoires sont prêts aujourd’hui pour expérimenter, ils attendent, ils ont mis des moyens humains. Un espoir s’est levé dans les territoires, cet espoir ne doit pas être déçu”, a-t-il souligné. “Allons-nous devoir dire aux salariés, aux équipes, aux élus des territoires : circulez, on arrête, votre façon d’inventer un autre monde du travail on ne veut plus la soutenir ? Est-ce qu’on peut vraiment conduire une expérimentation sociale, économique, environnementale jusqu’au bout”, s’est interrogée Anne-Marie De Pasquale, membre de la délégation nationale d’ATD Quart Monde.
“Laissez nous vivre décemment des fruits de notre travail”
De nombreuses personnes privées d’emploi et des salariés des Entreprises à but d’emploi sont également venues témoigner sur la petite scène installée près de l’Assemblée nationale, à Paris. “Le projet nous donnait l’espérance d’une vie sociale disparue. Cela nous a permis de retrouver une confiance en nous, d’être entendus de nos élus et d’exister au sein de notre ville. Nous avons été considérés d’égal à égal par les professionnels et le monde politique. Cela n’a pas de prix. Il est impossible que cet élan soit anéanti par le désengagement de l’État”, a ainsi lancé Valérie, venue de Bailleul, dans les Hauts-de-France.
Pour Didier, 57 ans et à la recherche d’un emploi depuis quatre ans, le projet Alternataf lancé à la Flèche, dans la Sarthe, représentait “une bouée de sauvetage”. “Vous voulez reprendre d’une main ce que vous avez donné de l’autre, mettant ainsi en danger gravement nos Entreprises à but d’emploi déjà en activité et empêchant celles en devenir d’ouvrir leurs portes. Arrêtez ce petit jeu malsain et laissez nous vivre décemment des fruits de notre travail”, a-t-il affirmé.
“Depuis notre embauche, nous avons la sensation de revivre. On a pu retrouver une sérénité du fait d’être en CDI, un équilibre dans nos vies familiales en participant financièrement à la vie de notre foyer. Ce travail nous a permis de retrouver notre confiance en nous, de se sociabiliser en nous ouvrant aux autres et de retrouver un sourire qui nous avait quitté depuis bien longtemps”, ont exprimé des salariés des Entreprises à but d’emploi de Bagnolet et Pantin, en région parisienne. “Les salariés des Entreprises à but d’emploi apportent leurs compétences, leurs richesses et leurs savoirs pour le bien de la communauté. Nous avons tous droit au travail”, a expliqué Dominique, salarié de La Fabrique de l’emploi, dans les Hauts-de-France, avant d’ajouter, à l’attention d’Emmanuel Macron : “Monsieur le président, vous avez dit ‘il suffit de traverser la rue pour trouver du travail’. Les Entreprises à but d’emploi sont le trottoir d’en face et près de 3000 personnes ont traversé la rue pour avoir un travail. Alors pourquoi mettre un obstacle sur le chemin du retour à l’emploi ?”. Depuis le début de l’expérimentation, 3 600 personnes sont en effet sorties de la privation durable d’emploi. Elles étaient au chômage depuis 4 ans et 9 mois en moyenne.
“Poursuivre cette utopie concrète”
Plusieurs parlementaires étaient également présents à cette manifestation pour soutenir Territoires zéro chômeur de longue durée. “Nous devons nous battre pour pouvoir poursuivre cette utopie concrète qu’est la mise en œuvre de Territoires zéro chômeur de longue durée. Ce qui n’était au départ qu’un slogan, qu’une forme d’optimisme, ‘nul n’est inemployable, tout le monde a sa place dans cette société’ permet de construire la République en acte”, a notamment souligné Boris Vallaud, député PS des Landes.
Alors que la manifestation se poursuivait, le député LFI de l’Hérault, Sébastien Rome, a pour sa part interrogé le ministre du Travail lors de la séance de Questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale, sur l’enveloppe budgétaire accordée à l’expérimentation. “En proposant des emplois en CDI dans des secteurs non solvables pour le marché, mais radicalement utiles pour l’écologie et le social, des entreprises, parfois créées par les chômeurs eux-mêmes, transforment des déserts économiques en oasis d’emplois”, a-t-il rappelé. Le ministre, Olivier Dussopt, lui a cependant répondu que le budget prévu était en augmentation et que “toutes les structures d’insertion par l’activité économique aimeraient bénéficier d’une telle augmentation. […] Nous continuerons à soutenir l’expérimentation, en fonction de ses réalisations et des territoires habilités. Toutefois, le budget de l’État n’est pas infini”.
Une réponse insatisfaisante pour les acteurs de Territoires zéro chômeur de longue durée, dont Laurent Grandguillaume qui a annoncé que cette mobilisation en appellerait d’autres “si demain les promesses ne sont pas tenues”.
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Photo : Manifestation près de l’Assemblée nationale à Paris le 24 octobre 2023 des acteurs de l’expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée. © ATD Quart Monde et Carmen Martos