Samedi 6 mars, une trentaine de jeunes dont trois d’ATD Quart Monde et deux accompagnateurs se sont réunis en visioconférence pour échanger autour de la question de la participation politique des jeunes et plus particulièrement de l’exclusion de certains des processus de décision. À l’occasion de ce webinaire inversé organisé par Provox, le portail du dialogue structuré en France porté par le Cnajep, trois intervenants prenaient la parole après avoir écouté les jeunes : Tom Chevalier, Fabrice Dumas, et Pia Redoutey.
Malgré un magnifique soleil dehors narguant allègrement les participants et un cyclone annoncé à la Réunion, les jeunes sont au rendez-vous. Jeunes ruraux, des Dom-Tom, de l’aide sociale à l’enfance, en situation de pauvreté, étudiants, impliqués dans des associations ou dans leur établissement scolaire. Certains se disent exclus de la participation politique, d’autres expliquent ne pas y trouver leur place, tandis que d’autres encore, malgré leur participation politique, soulignent les difficultés qu’ils rencontrent dans ce domaine, notamment en raison de leur jeunesse.
Un manque de légitimité ?
“Nous avons peu de connaissances car nous sommes jeunes, ce qui amène un manque de crédibilité, une peur ; en même temps, nous avons une vision neuve du monde.” Le manque de légitimité ressort beaucoup dans le discours des jeunes. Fabrice Dumas, salarié de l’association Aequitaz, participe à la mise en place de parlements libres des jeunes. Il souligne : “En tant que jeunes, vous avez la légitimité de parler de vous. Par exemple, si vous racontez les contrôles de police, c’est une expérience vécue et parce qu’elle est vécue, vous êtes légitimes pour en parler.”
Parler de ses émotions est aussi une porte d’entrée, car quand une situation devient insupportable et qu’elle met en colère, on va agir. Un premier pas pour conforter cette légitimité ne serait-il pas, comme le proposent certains, d’avoir des “espaces spéciaux où on donne la parole aux jeunes”, un groupe au sein duquel le jeune peut prendre la parole en se sentant en sécurité ?
La place des milieux non institutionnels dans la participation politique des jeunes
Un jeune explique : “Pour moi, ce qui pourrait faciliter la participation politique des jeunes, ce sont les associations et les réseaux sociaux”. Un autre souligne qu’il faudrait une plus grande reconnaissance des milieux informels de participation politique à l’image de ceux que l’on peut trouver dans le milieu associatif représenté par plusieurs jeunes participants : ATD Quart Monde, les Maisons Françaises Rurales, Co-exister ou la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC).
Tom Chevalier, chargé de recherche au CNRS sur les politiques publiques en direction des jeunes en Europe, souligne une différence entre les générations actuelle et précédentes. Alors que les anciennes générations structuraient leur participation politique surtout autour des milieux institutionnels (élections, partis politiques, syndicats,…), la génération actuelle porte une citoyenneté d’engagement. Elle est donc davantage investie dans les milieux non institutionnels, un peu à la marge, pas directement en lien avec les canaux traditionnels mais qui restent politiques. Pia Redoutey, responsable bénévole au sein du Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC), insiste cependant sur la difficulté des relations avec les partenaires extérieurs, ceux-ci ayant tendance à moins écouter un Mouvement mené par et pour les jeunes : “On ne se sent pas écouté, ce qui est assez déstabilisant.”
Des jeunes en politique, oui… mais comment ?
Une jeune s’exclame : “Dans un monde idéal, je voudrais que les jeunes puissent participer dans tous les domaines car les jeunes font partie de la société et la société prend en compte tous les domaines !” D’autres soulignent leur attrait particulier pour des sujets tels que l’écologie, l’égalité, le féminisme, la question des enfants placés, les personnes racisées, les LGBT etc. Le référendum semble être pour eux le moyen de permettre aux jeunes de participer pleinement aux décisions politiques.
Cependant, Tom Chevalier nuance : “Pour favoriser la participation, il faut agir directement sur les inégalités et reconnaitre le statut de citoyen aux jeunes, ce qui montre une plus grande confiance de la part de l’État et favorise donc la participation. Le référendum est une des solutions. Mais il ne faut pas oublier que, quand on parle de référendum, on parle de démocratie participative, donc ça reproduit les inégalités que l’on trouve dans la démocratie classique (liées au genre, à la classe, à l’éducation etc.), ce qu’on ne retrouve pas dans le tirage au sort.”
À la suite du webinaire, un jeune d’ATD Quart Monde explique : “J’ai trouvé ça super intéressant et très riche en diversité d’opinions et d’interventions !”
Où que ce soit, de quelque façon que ce soit, Fabrice Dumas rappelle : “Il faut que la participation soit un plaisir. Il faut éviter la militance triste !”. Maëlys Garcia