Territoires zéro chômeur de longue durée : des évolutions attendues dans la proposition de loi

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La proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée a été publiée le 16 juin dernier et sera examinée au Parlement à partir de mi-septembre. Emmanuel Altmayer, responsable du projet Territoires zéro chômeur de longue durée à ATD Quart Monde, décrypte ce texte qui doit permettre de poursuivre l’expérimentation commencée en 2011 et de l’étendre à de nouveaux territoires.

La proposition de loi relative à l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée doit être examinée à l’Assemblée nationale à partir de septembre. Que pensez-vous de ce texte ?

Nous sommes tout d’abord contents que ce texte ait été déposé et nous constatons dans cette proposition de loi un certain nombre d’éléments positifs. L’exposé des motifs reprend ainsi plusieurs propositions faites par Territoires zéro chômeur de longue durée et ATD Quart Monde. C’est le cas de la notion d’exhaustivité, selon laquelle toutes les personnes privées durablement d’emploi volontaires d’un territoire doivent être embauchées. Ce point n’est cependant pas retranscrit ainsi dans les articles de la proposition de loi, ce qui est problématique.

L’exposé des motifs insiste également sur l’habilitation des nouveaux territoires au fil de l’eau, sur une durée de trois ans, et non tous en même temps comme dans la première loi d’expérimentation. Cela nous paraît très important de permettre aux territoires de se préparer à leur rythme. La proposition de loi insiste également sur l’importance du Comité local pour l’emploi, afin de donner une réelle autonomie de gestion du projet au niveau des territoires.

Le texte reprend en outre la notion de “personne privée durablement d’emploi”, ce qui est important. Nous ne voulions pas que soit utilisée la notion de “demandeur d’emploi de longue durée” utilisée par Pôle Emploi. Cette définition retenue permet aux territoires, aux comités locaux pour l’emploi, de déterminer qui est habilité à rentrer dans le projet.

La notion d’emploi supplémentaire, définie au niveau de chaque territoire, a également été retenue et non une définition administrative gérée à l’échelle supérieure. Cela signifie que tout emploi créé dans une Entreprise à but d’emploi ne doit pas risquer de détruire un emploi existant sur le territoire. C’est une notion très importante, qui est ainsi confirmée dans la proposition de loi.

Autre point positif, le montant du financement par l’État de chaque personne embauchée est reconnu comme objet de l’expérimentation. C’est la clé de l’équilibre économique du projet au niveau des territoires et c’est donc fondamental. Nous nous sommes battus pour que ce montant ne soit pas défini a priori, mais puisse évoluer en fonction des constats qui pourront être faits lors de l’expérimentation.

Quels sont les points à améliorer dans ce texte ?

Les points positifs mentionnés apparaissent très clairement dans l’exposé des motifs, mais ne sont pas aussi clairs dans les articles de la proposition de loi. Il faut donc tout d’abord faire en sorte qu’ils soient bien repris dans le texte lui-même.

Il y a ensuite des éléments qui nous paraissent critiquables. Le texte évoque ainsi la notion de “chômeur employable”. Qui décrète qu’une personne est employable ou inemployable ? Nous constatons que la grande majorité des personnes privés d’emploi veulent et peuvent travailler.

L’un des articles mentionne en outre l’idée de “sortir de la logique de droit au chômage”. Nous ne pouvons l’accepter, car cela stigmatise le comportement des chômeurs, en sous-entendant qu’un certain nombre d’entre eux sont dans une “logique de droit au chômage”. Il est nécessaire de corriger quelques éléments rédactionnels de ce type.

L’une des craintes porte également sur le rôle du Service public de l’emploi qui doit, selon le texte, rendre un avis sur les embauches. Nous craignons que les territoires perdent la main sur les aspect fondamentaux du projet, que sont l’identification des emplois supplémentaires et des personnes privées durablement d’emploi. Ce n’est pas acceptable et ne va pas dans le sens de l’autonomie des territoires dont on parle beaucoup aujourd’hui. Il est nécessaire de conserver cette autonomie et d’éviter la mise sous tutelle du projet par le Service public de l’emploi.

Quel est l’impact de ce texte sur les dix premiers territoires déjà engagés dans l’expérimentation ?

La proposition de loi reconduit automatiquement l’expérimentation qui avait été votée en 2016 et qui devait donc se terminer en 2021. Le risque d’un non-renouvellement pesait sur ces dix territoires expérimentaux, cette proposition de loi leur redonne donc un minimum de cinq ans pour continuer à développer leurs projets.

Le projet de loi prévoit une extension de l’expérimentation à 30 nouveaux territoires, est-ce suffisant ?

Aujourd’hui, à la sortie d’une crise sanitaire majeure qui va générer une crise économique et une explosion du nombre de chômeurs, et en particulier de chômeurs de longue durée, il nous semblerait important d’être plus ambitieux que cela et d’aller au-delà de 30 territoires expérimentaux. Il y a déjà 115 territoires candidats et plus d’une centaine se sont dit intéressés. Il nous paraît donc important de ne pas laisser sur le côté des dizaines de territoires engagés dans le projet et de ne pas définir un plafond du nombre de territoires. Il serait plus logique que le gouvernement puisse habiliter un certain nombre de territoires tous les ans, en fonction de la maturité des projets émergents candidats. Nous allons porter cette idée pendant la discussion au Parlement.

La durée de cinq ans est-elle adaptée selon-vous ?

Nous l’avons vu dans les dix premiers territoires, c’est une bonne durée. En cinq ans, on peut véritablement expérimenter et stabiliser le projet. La période de démarrage a duré un ou deux ans, puis il y a eu une ou deux années de stabilisation et, au bout de cinq ans, nous pouvons tirer un certain nombre d’enseignements, de recommandations et de bonnes pratiques, qui seront profitables aux nouveaux territoires habilités.

Une éventuelle pérennisation du projet est inexistante dans le texte de loi, cela vous inquiète-t-il ?

Le projet de loi parle effectivement d’une deuxième expérimentation, mais n’évoque jamais la pérennisation. Pourtant, cette loi devrait s’inscrire dans une vision à long terme, qui ne serait plus une vision d’expérimentation, mais devrait permettre à tous les territoires qui répondent aux cahiers des charges de pouvoir s’inscrire dans le projet. Il nous paraît très important que cette proposition de loi s’inscrive dans cette vision.

Comment expliquez-vous que le texte ait mis autant de temps à être déposé, alors que le président de la République l’avait annoncé en septembre 2018 ?

Nous ne sommes pas vraiment choqués par ce calendrier, dans la mesure où l’extension de l’expérimentation arrive avant la fin des cinq ans définis dans la première loi et va ainsi permettre de pérenniser le projet dans les dix premiers territoires. Le texte va donc prendre le relais et éviter une discontinuité.

C’est vrai que l’on parle de cette proposition de loi depuis longtemps, d’autant plus que le gouvernement a lancé une évaluation par un comité scientifique et a confié une mission à l’Inspection générale des affaires sociales et à l’Inspection générale des finances. Ces évaluations intermédiaires, auxquelles ATD Quart Monde avait répondu, ont abouti à un certain nombre de recommandations et de critiques, mais ont indiqué aussi que le projet devait être poursuivi et l’expérimentation étendue. Cela a créé une certaine attente au niveau des territoires émergents. Mais nous n’étions pas inquiets, car nous pensons qu’il y a une volonté politique assez forte pour développer ce projet, en particulier de la part de l’Élysée.

Êtes-vous confiant dans une adoption rapide de la proposition de loi ?

Plus de 130 parlementaires, députés et sénateurs, font partie du comité de soutien du projet. Nous allons travailler avec eux et ils vont nous aider à apporter un certain nombre de modifications au texte. Mais la proposition de loi et son exposé des motifs sont une bonne base de travail. Nous allons être particulièrement vigilants sur l’intégration des personnes les plus éloignées de l’emploi. Il ne faut pas se contenter des listes de Pôle Emploi, voire des listes gérées par le département pour le RSA, mais bien aller chercher les personnes les plus éloignées de l’emploi, auprès des travailleurs sociaux, du monde associatif, pour les intégrer au projet.

Il faut également s’assurer que le financement des salariés, des structures des entreprises et du comité local de l’emploi soit bien prévu par le texte et intègre le démarrage et l’exploitation de l’Entreprise à but d’emploi. Elle a en effet besoin d’investissements, comme toute entreprise qui se lance, et le financement doit être prévu dans le dispositif législatif.

Aucun de ces points ne nous paraît impossibles à réaliser. Nous sommes plutôt sereins et nous savons que nous disposons de soutiens importants au niveau des élus locaux et des parlementaires que nous devons désormais mobiliser pour contribuer à l’amélioration du texte législatif. Propos recueillis par Julie Clair-Robelet

 

Photo : Rassemblement pour demander l’extension de l’expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée à Paris le 18 juin 2019. © JCR, ATDQM

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