Plus de 200 personnes ont assisté au séminaire de philosophie sociale organisé par ATD Quart Monde les 9 et 10 décembre à l’université Paris-Cité.
Après plus de trois ans “d’aventure collective”, l’ensemble des co-chercheurs de la recherche intitulée “Pauvreté, critique sociale et croisement des savoirs” étaient fiers et émus de présenter leurs travaux portant sur trois axes : le droit, la résistance et l’injustice liée au savoir. “On a réussi à se parler, à se comprendre. On s’est parfois confrontés, mais on a créé une vraie fraternité. Tout le monde n’a pas fait de grandes études et tout le monde n’a pas l’expérience de la grande pauvreté. Donc nous avons toutes et tous quelque chose à apprendre des autres”, constate Angélique Jeanne, militante Quart Monde.
Pour ATD Quart Monde, cette recherche est “une étape très marquante”, souligne Bruno Dabout, délégué général du Mouvement. “Cela montre que certains de nos efforts intellectuels se rejoignent profondément avec d’autres courants dans le monde, pour que la production de connaissances se libère de la reproduction des dominations. Ce sont des bases pour casser la persistance de la pauvreté”, poursuit-il.
Compréhension mutuelle
Les philosophes ont été frappés par l’originalité de la démarche. “Notre recherche commune a été portée par celles et ceux qui sont trop souvent renvoyés soit à l’absence de savoirs, soit à un savoir seulement considéré comme pratique. C’est la contestation de cette frontière entre savoir théorique et savoir pratique qui a été l’acte fondateur de notre expérience de pensée”, constate ainsi le philosophe Guillaume Le Blanc.
Pour aboutir à ce résultat, les huit militants Quart Monde, les huit philosophes et les douze praticiens, alliés et volontaires permanents d’ATD Quart Monde, ont d’abord été obligés de surmonter leurs peurs d’être jugé, de ne pas être compris et de ne pas comprendre le “jargon” de l’autre, de voir sa parole être transformée ou instrumentalisée… Les moments de convivialité ont permis de créer une “compréhension mutuelle, sans être dans une posture consistant à gommer les différences”, explique Fred Poché, membre de l’équipe pédagogique et philosophe.
La philosophie sociale permet de questionner la société, et de poser un regard critique sur ses pathologies. L’un des enjeux de cette recherche était donc de montrer que “les personnes en situation d’exclusion ont un savoir irremplaçable, permettant de toucher la racine de ce qu’est la société”, détaille David Jousset, philosophe et initiateur de ce séminaire.
Un apport décisif
Les co-chercheurs souhaitent désormais que les textes soient publiés, mais leurs réflexions ont d’ores et déjà bousculé certaines certitudes. “Votre travail est vraiment nécessaire et indispensable. Il va continuer à nous faire réfléchir sur la manière dont les droits peuvent être effectivement violents et comment on fait pour que le droit soit suffisamment protecteur”, affirme ainsi la Défenseure des droits, Claire Hédon. Régis Brillat, secrétaire exécutif du Comité européen pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe, a pour sa part été marqué par l’importance des “mots justes”. “Votre apport peut être absolument décisif pour éviter qu’une solution, même parfaite d’un point de vue juridique, ne soit ressentie comme blessante ou offensante.”
Ce séminaire avait également un enjeu de “transformation personnelle” de l’ensemble des co-chercheurs, comme l’a expérimenté David Jousset : “Je pense et j’écris différemment maintenant que je sais que mes élucubrations intellectuelles peuvent devenir une arme pour certains et certaines pour casser les murs de l’exclusion”. Julie Clair-Robelet
Retrouvez aussi une vidéo de 26 minutes présentant le séminaire de philosophie sociale et ses étapes de 2019 à 2022.
Photo : Le groupe de co-chercheurs et l’équipe pédagogique du séminaire au Centre de mémoire et de recherche Joseph Wresinski. © Carmen Martos, ATD Quart Monde