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- Migrations, Asie
Des rêves d’or et d’acier
Description
A partir des conversations avec son père et de ses propres voyages au Vietnam, l’autrice nous fait découvrir l’incroyable destin souvent tragique de son père Liêm, de l’Indochine à la Lorraine en passant par les camps de réfugiés au Cambodge et en Thaïlande. Ce père, tant aimé et admiré, à la vie plusieurs fois brisée, lui a laissé un bel enseignement : « Quand on a tout perdu plusieurs fois, on n’a plus peur de se lancer. »
Né d’un père issu de la minorité cham et d’une mère bouddhiste, élevé dans la culture musulmane cham, Liêm est marqué par des drames familiaux (2 frères morts jeunes, sa mère décédée au Vietnam juste avant qu’elle puisse venir le rejoindre en France). Il est aussi bouleversé par la grande histoire, les guerres du Vietnam et du Cambodge. Il a connu les camps de réfugiés, la misère, l’insalubrité, la malnutrition, la lutte pour se nourrir et nourrir sa famille, la violence, la maltraitance généralisée des gardiens de camp. Liêm a un tempérament fort et bagarreur (« le secret, c’est de frapper en premier »). Adolescent au Vietnam, il rêvait de réussir par le sport : football, puis boxe thaï. Il est aussi généreux et même dépensier pour sa famille et sa communauté (« Même dans la misère, il y a toujours plus pauvre que soi »).
Le père de Liêm, Youssouf, personnalité de la communauté cham, a été sénateur à Saigon avant le départ des Américains. Déçu par le nouveau régime communiste, il se décide à partir et va vivre un parcours de réfugié, déclassé et fragilisé. Liêm quitte alors le Vietnam pour la France en 1980, à l’âge de 18 ans. Il doit abandonner l’idée de reprendre ses études et de retourner au Vietnam. Il sera ouvrier en Lorraine pendant plus de 30 ans.
Emilie Tôn raconte avec émotion la tristesse de son père dans son nouveau pays si froid et si pluvieux. Il se résigne à vivre en France, épouse une française, Christine, contre l’avis de sa famille cham et devient Français en 1997. Son bonheur est de devenir père d’Emilie en 1991. Il est aussi confronté au racisme ordinaire, aux humiliations (il est souvent traité de « chinetoque »), à la bureaucratie française, aux logements sociaux précaires et à un travail épuisant, mal rémunéré et peu reconnu. Il maîtrise mal la langue française et en a honte. Sa fille en a également honte pour lui à l’époque et avoue aujourd’hui avoir honte d’en avoir eu honte. Malgré la pauvreté, il maintient sa dignité, l’hospitalité pour sa famille, l’éducation pour sa fille. Il a une ambition pour sa fille qu’il a tant désirée. Malgré la tristesse de la voir partir à 17 ans pour ses études à Paris, il la soutient et l’encourage pour qu’elle puisse devenir journaliste.
Un très beau livre pour se souvenir de la dignité des personnes réfugiées et exilées.
Didier Jaubert
Éditions Hors d’Atteinte – Domaine du Possible – 2022 – 397 p.