Bibliographie
Accueil / Bibliographies / Dites-leur que je suis un homme
- Minorités, États-Unis
Dites-leur que je suis un homme
Description
Dans le Sud des États-Unis des années 40, Jefferson, un jeune Noir illettré, est condamné à mort à la suite d’un meurtre auquel il a assisté. Pour le défendre, son avocat plaide l’irresponsabilité : « Ce n’est pas un homme, c’est un cochon, incapable de mesurer la portée de ses actes ». Sa marraine, seule famille qu’il ait, demande à l’instituteur noir du village de l’aider à monter sur la chaise électrique comme un homme. Après bien des hésitations, des doutes, celui-ci va permettre au condamné de retrouver sa dignité d’homme pour l’honneur de sa famille et de toute sa communauté.
Ce livre nous propose un témoignage sur la condition des Noirs dans le Sud américain avant le début du mouvement pour les droits civiques. Nous y découvrons un peuple méprisé, humilié en permanence. Ceux qui ne partent pas vers les grandes villes sont vite brisés. L’alcool, la violence font des ravages. Face à cela, l’instituteur éprouve un grand dégoût, se sentant incapable d’offrir une alternative aux enfants de l’école.
Cette alternative, c’est aux côtés de Jefferson qu’il va la découvrir, petit à petit. Aider Jefferson à affirmer sa dignité, c’est permettre à toute une communauté de relever la tête, d’affirmer son humanité et son égalité avec les Blancs. Cependant, il lui faudra passer par des doutes, des peurs. Que peut-il faire face à trois siècles de mépris, face à l’incompréhension du pasteur – dont le seul objectif est d’aider Jefferson à trouver Dieu avant de mourir – et surtout face au mépris que Jefferson éprouve pour lui-même : dans sa cellule, il se prend pour un cochon, ne parle pas, ne mange pas.
De plus, l’instituteur doit subir de nombreuses humiliations pour pouvoir accomplir sa tâche. Il doit rester humble, tenir son rôle de nègre face à ceux qui ont tout pouvoir sur le prisonnier, en particulier le shérif. Une présence régulière, sans relâche, attentive, va lui permettre de nouer le dialogue avec le condamné. En lui offrant un crayon et un carnet, il permet à Jefferson de témoigner de sa vie, même s’il a beaucoup de mal à écrire, et de comprendre que lui seul peut être le héros de toute sa communauté, que lui seul peut donner l’espoir en se tenant debout.
Ce livre nous montre qu’il n’y a pas de fatalité de l’exclusion ni du mépris. Grâce à la persévérance d’une mère de famille, un homme qui s’est extrait de la communauté par le savoir va s’engager et se tenir aux côtés du moins cultivé, du moins vif de tous. Grâce au soutien de ses proches, en particulier de Viviane, sa fiancée qui est institutrice dans le village voisin, il va pouvoir partager ses doutes, trouver la force qui lui est nécessaire pour ne pas renoncer. Enfin Paul, l’adjoint du shérif, blanc bien sûr, sera un allié sûr et indispensable à la réussite de ce projet. C’est toute une communauté qui va trouver une raison de croire en elle à travers le courage de Jefferson.
Ronan Claure
Liana Levi – Piccolo – 2004, réédition – 300 p.