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- Travail
Et pourtant je me suis levée tôt…
Description
Une immersion dans le quotidien des travailleurs précaires
« La vie, la santé, l’amour sont précaires. Pourquoi le travail ne le serait-il pas ? » Cette réflexion lapidaire, aux allures de bon sens, de la présidente du Medef, sous-tend le contexte actuel de notre société vis-à-vis du travail précaire. Il est admis, considéré comme inévitable. La précarité fait toujours peur et l’on peut ainsi lancer le mot d’ordre « travailler plus pour… » ; ou encore agiter cet épouvantail de la précarité pour tous, afin de « renvoyer à la responsabilité personnelle, placer chacun en période permanente d’essai, pour mieux harmoniser par le bas ».
Les titres de trois chapitres illustrent bien les thèmes des expériences faites par l’auteur :
– La meilleure équipe gagne un pot de confiture, récompense dérisoire pour l’équipe de télévente de contrats téléphoniques qui en aura placés le plus en moins de temps possible. On apprend ici, entre autres, ce qu’est un CIPI (contrat d’insertion professionnelle pour intérimaires), contrat de formation en alternance, qui remplace depuis 2004 les contrats de qualification et d’orientation, et qui ne coûte absolument rien à l’entreprise, durant tout le temps de la formation, et même pendant la phase pratique puisqu’il est demandé aux stagiaires de travailler comme n’importe quel autre salarié.
– Merveilleusement unis pour le meilleur et pour le pire, caractérise l’univers d’Ikea où l’implication des salariés doit permettre d’améliorer les performances de l’entreprise. Il leur revient d’imaginer les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs de la hiérarchie, c’est la seule exigence : être inventif, attentif, prêt à remplacer au pied levé les défaillances d’un collègue ou l’absence d’un autre, se focaliser sur la satisfaction du client, anticiper ses besoins futurs…
– La chambre en vingt-deux minutes ! Là, un tout autre univers, où les employées d’étage, doivent faire un service dans les meilleurs temps, et s’il n’est pas terminé, faire des rallonges, très fréquentes dans ce secteur. Il n’y a pas d’organisation du travail à proprement parler, seule une liste de tâches à effectuer impérativement, misant sur l’individualisation et le plus souvent un surcroît de responsabilités, jamais récompensées. Le travail d’employée d’étage est moins dur que celui de femmes de chambre qui ont vingt-deux minutes pour refaire la chambre ; le temps supplémentaire, s’il est nécessaire, n’est pas payé.
L’auteur, diplômée de Sciences Po, journaliste, fait suivre ces différents témoignages de nombreuses réflexions et analyses, étayées par un grand nombre de références, sur la situation actuelle du travail en France et plus particulièrement sur la question des emplois précaires. C’est en cela que l’ouvrage a une portée sociologique et politique pertinente.
Jean-Pierre Touchard
Éditions du Panama – 2007 – 175 p.