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Exclusion, précarité et médiation créatrice
Description
Sortir du cagibi de la solitude
Martine Colignon est à la fois plasticienne et thérapeute. Ce livre s’appuie sur sa pratique auprès de personnes qui, après des pertes en cascade de toutes leurs sécurités physiques, psychiques, sociales, sont dans un tel état d’abandon d’elles-mêmes et d’exclusion qu’elles ne sont plus accessibles aux soins et encore moins à une démarche de réinsertion. Elles sont souvent adressées par des professionnels des services RSA qui se sentent impuissants.
La situation des personnes en situation d’extrême précarité a obligé au rapprochement des champs médical, psychiatrique et social pour leur prise en charge. C’est dans cette polyvalence que s’inscrit l’auteur, mais en proposant une approche complémentaire, parfois préalable à tout autre, avec des ateliers de création individuels et/ou collectifs, à partir des arts plastiques ou de l’écriture/lecture.
Le texte est construit en courts chapitres et sous-chapitres introduits par un mot. Ils décrivent de façon très sensible toute la complexité et l’engrenage infernal des processus pouvant conduire au gouffre dans lequel certaines personnes se trouvent enfermées. Ce faisant, il invite à distinguer les différences, de nature ou de registre, de termes souvent confondus : solitude-isolement, douleur-souffrance, dépression-mélancolie-burn-out, précarité-pauvreté- exclusion. Les chapitres se succèdent, non pas selon une progression vers une meilleure compréhension, mais en dessinant la spirale qui aspire les personnes au point qu’elles sont coupées d’elles-mêmes et des autres. Les descriptions font souvent appel à des métaphores tant les vécus sont difficiles à transcrire. Elles sont entrecoupées par des récits plus concrets de séances avec de multiples personnes, par des évocations d’œuvres d’art, de films, de mythes qui ne sont pas là pour illustrer mais pour montrer à quel point la création, l’imaginaire constituent un chemin indispensable à l’expression et à la restauration de l’être.
Pour l’auteur, cette démarche est parfois la seule chance de rétablir un soupçon de désir de vivre et de communiquer chez des personnes qui ne sont plus en mesure de supporter la moindre aide. La première étape, qui peut durer longtemps, est de saisir chez la personne un intérêt, une compétence, sur laquelle il va être possible de s’appuyer. Les ateliers ne sont pas présentés comme une solution miracle. Mais chaque petit pas révélé par les récits de ces séances est précieux.
Enfin, ce qu’enseigne cette pratique aux professionnels de l’aide et du soin, c’est peut-être un nouveau positionnement mieux adapté à ces situations, celui de pur accueillant de la valeur de la personne et de toute expression venant de cette personne, quelle qu’elle soit, sans chercher à savoir plus, à comprendre, à expliquer, à interpréter et encore moins à proposer des pistes de changement. Leçon d’humilité et de foi en la valeur de tout homme qu’il s’agit d’abord accueillir tel qu’il est avant d’espérer l’aider à reprendre sa vie en main et à retrouver sa place parmi les autres.
Brigitte Bureau
Editions Eres – Trames – 2020 – 290 p.
Compte-rendu publié dans la Revue Quart Monde n° 257 : Domination et genre