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La cause des pauvres en France
Description
Celle-ci va, à partir du début des années 1960, se différencier progressivement de celle des travailleurs salariés qui prévalait précédemment dans le champ politique et médiatique. Un nouveau mouvement social a en effet surgi pour prendre la défense spécifique des pauvres et une nouvelle approche a commencé à s’élaborer pour circonscrire de plus grandes situations de pauvreté. Ils vont commencer à interpeller d’abord les consciences puis à pénétrer peu à peu les esprits dans le monde de la haute administration en charge de la protection sociale et dans celui des professionnels du travail social. Cela va se produire pour une très grande part sous l’influence et l’impact d’associations pionnières comme Emmaüs et ATD Quart Monde. Cette dernière est d’ailleurs érigée par l’auteur en figure emblématique de cette émergence historique.
A cet égard, est particulièrement significatif le résumé (p. 219) du dialogue extrait du numéro de la Revue Esprit, paru en 1972, « Pourquoi le travail social ? », entre un formateur d’une école d’éducateurs spécialisés et le directeur de la formation à ATD Quart Monde. On y voit se manifester par exemple l’antagonisme entre la défense de l’autonomie du professionnalisme des travailleurs sociaux et le plaidoyer en faveur de la primauté de l’engagement au service des pauvres, prôné comme un véritable retournement de perspective. Car il faut reconnaître que tous les acteurs de la cause des pauvres n’étaient pas forcément sur la même longueur d’onde.
Il s’ensuivra néanmoins, quelques années plus tard sous l’effet de divers facteurs conjoncturels, l’affermissement, non sans réticences ni tergiversations, d’un nouveau courant de pensée qui va sensibiliser à son tour le monde politique. Ce qui permettra le développement d’une plus grande prise en compte par les pouvoirs publics, notamment à partir des années 1980, de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale au point de lui attribuer en 1994 le label « Grande cause nationale ». Durant toute cette période, de nombreux rapports ont été entrepris sur ce sujet, qui engendreront plusieurs avancées législatives.
Cette relecture historique de la« cause des pauvres » est particulièrement intéressante à étudier pour des membres d’ATD. Ils pourront y resituer les efforts mobilisateurs de leur Mouvement dans le contexte évolutif des autres dynamiques à l’œuvre, qu’elles aient été citoyennes, associatives, syndicales, politiques, législatives, administratives ou intellectuelles. Les sources consultées sont en effet très diverses : Pauvreté et inégalités, Protection sociale et travail social, Monde associatif et philanthropie, Expertise et science, Représentation des classes populaires.
Dans sa conclusion, l’auteur s’interroge cependant sur l’avenir de la cause des pauvres. Si historiquement elle a largement démontré sa capacité à renverser l’ordre social des causes, elle y est parvenue grâce à des relais qui lui ont été nécessaires : « de la puissante aspiration ouvrière à la dignité sociale des travailleurs qui inspira jadis les premiers leaders charismatiques de la lutte contre la pauvreté (dont Wresinski), à la force de la doctrine sociale de l’Église, en passant par l’ethos de hauts fonctionnaires du social épris de justice sociale ». Qu’en est-il de ces relais aujourd’hui ? Les espérances militantes et les avocats de la cause des pauvres trouveront-ils de nouvelles alliances ?
Daniel Fayard
Les Presses de Sciences Po – 2020 – 361 pages
Compte rendu publié dans la Revue Quart Monde n° 258 : Dévoiler les dimensions cachées de la pauvreté