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La Sécurité sociale. Une institution de la démocratie
Description
« L’ambition de 1945 est de construire par l’action politique une démocratie dont la finalité, instaurer le bien-être collectif, ne soit pas assujettie au seul critère de prospérité économique. Dans ce dernier cas de figure, la liberté et la sécurité découlent du niveau de la croissance, entièrement déterminées qu’elles seraient par l’importance des richesses produites. A l’inverse, le projet de 1945, sans évidemment nier l’importance du développement économique, met l’accent sur la nécessité de distribuer autrement les richesses et d’autant plus qu’elles sont rares. »
Cette solidarité nationale doit s’appuyer sur trois principes :
– universalité : toute la population et toutes les situations (chômage, maladie..)
– unité de l’organisation qui doit regrouper les assurances sociales, les allocations familiales et les accidents du travail, avec une caisse unique par circonscription.
– uniformité des prestations.
La gestion doit être aux mains des bénéficiaires. Un objectif : « la constitution de la société autour d’un partage de valeurs, d’une communauté de droits et d’obligations ».
Mais différents groupes s’opposent dès le départ à cette unification : les caisses professionnelles, les cadres, les médecins… L’État doit alors organiser une prise en charge plus complexe, avec des prestations « non contributives de la Sécurité sociale ».
A la fin des années 60, l’État est considéré comme un mauvais gestionnaire, il « n’est plus l’organisateur du vivre ensemble, il arbitre entre les différents intérêts s’affrontant dans un rapport de force, duquel émergerait l’intérêt général ». Une analyse essentiellement économique de l’histoire des politiques sociales « met l’accent sur la production en ignorant la redistribution qui, elle, est une question politique ».
A partir de 1980, l’accord sur la séparation entre assurance et solidarité constitue la base des réformes : chômeurs “inemployables” sont rejetés dans l’assistance, un fonds de solidarité vieillesse est créé pour ceux qui n’ont pas assez cotisé, la proportion de prestations familiales sous conditions de ressources augmente. La solidarité ne vise plus l’organisation d’une société plus juste, elle prétend plutôt « assurer la survie d’une population toujours plus importante que sa dépendance fait soupçonner d’irresponsabilité ».
« La liberté tend à être pensée comme l’attribut d’un sujet déjà institué tel qu’en lui-même. Aussi ce sujet identifie-t-il la solidarité à des charges de la vie collective qui sont autant de dangers et de limites pour lui-même et pour sa liberté. Celle-ci est dès lors envisagée avant tout comme le résultat d’une lutte permanente pour s’affranchir du collectif et de ses contraintes. L’Autre est au mieux l’allié d’un moment en vue de maximiser un intérêt, au pire un concurrent ».
Conclusion de l’auteur : « L’échec patent de cette orientation invite à appréhender à nouveau la question de la protection dans les termes d’une solidarité délibérée et éduquée qui seule donnerait sa chance à l’exercice de la responsabilité dans une démocratie renouvelée ».
Annick Mellerio
Éditions Gallimard – Bibliothèque des sciences humaines – 2014 – 315 p.