Bibliographie
Accueil / Bibliographies / Le pire des mondes possibles
- Développement, Ville, Mondialisation
Le pire des mondes possibles
Description
De l’explosion urbaine au bidonville global
L’ouvrage a été initialement publié sous le titre plus explicite Planet of slums , pour signifier l’évolution grandissante des mégalopoles où la part de la population urbaine vivant dans des bidonvilles est parfois majoritaire ; c’est le cas en Inde (55,5 %), au Nigeria (79,2 %), au Bangladesh (84,7 %), en Éthiopie (99,4 %) …« Pour mortels et dangereux qu’ils soient, les bidonvilles ont devant eux un avenir resplendissant. La campagne va continuer encore un temps à abriter la majorité des pauvres de la planète, mais ce statut peu enviable lui sera ravi par les bidonvilles urbains dès l’année 2035 », affirmait déjà en 2001 un spécialiste de la Banque mondiale. Les chercheurs de l’Observatoire urbain de l’ONU préviennent aussi qu’en 2020 « la pauvreté urbaine pourrait atteindre 45 % à 50 % de la population urbaine totale ».
Au delà des constats, des statistiques et des rapports sur cette évolution récente, l’auteur fait œuvre d’explication approfondie de ce phénomène. Il démontre quelles sont les causes politiques, économiques, administratives, post-coloniales, néo-libérales et capitalistes qui sont à la base de cette évolution. Les titres des chapitres en résument bien le contenu.
– La trahison des États, pour révéler l’abandon, pour ne pas dire la lâcheté des structures étatiques et gouvernementales face aux problèmes de la pauvreté, la corruption des organismes administratifs préférant satisfaire aux injonctions des puissances internationales ;
– L’illusion de l’autonomie qui dénonce la collusion entre les puissances financières mondiales et les grandes ONG, ces dernières s’alignant souvent aussi sur les injonctions des premières ;
– Hausmann sous les tropiques illustrant les méthodes d’exclusion des populations pauvres aux confins des agglomérations urbaines pour récupérer les terrains rentables à la construction et ‘nettoyer’ les centres-villes économiquement attractifs ;
– L’écologie des bidonvilles, soulignant ironiquement la situation souvent catastrophique en termes de pollution des zones « réservées » aux bidonvilles;
– La mise au PAS du Tiers Monde, le Programme d’Ajustement Structurel du FMI, étant responsable, entre 1980 et 1990, de l’abandon des programmes sociaux ou orientés vers le développement local des pays les plus pauvres, au profit des privatisations et du remboursement de la dette ;
– Une humanité en trop, décrivant le gâchis d’un monde de travailleurs « surnuméraires » de plus en plus exclus des processus formels de production ou des circuits marchands, la survie n’étant assurée que par le trafic, la prostitution ou au mieux l’exploitation dans le secteur informel.
Tous ces thèmes sont largement étayés, et sans cesse mis en référence avec des ouvrages de spécialistes, chercheurs, sociologues, économistes, etc. La bibliographie, surtout américaine et anglaise, est très abondante. Nombreuses références aussi aux organismes internationaux. Une mine pour des chercheurs.
Ce problème du développement d’une immense population très pauvre, de plus d’un milliard maintenant, survivant à la périphérie des grandes métropoles, reléguée dans les situations de vie les plus misérables et les plus exploitées, ce problème, qui n’est pas notre souci premier dans nos sociétés, ne devrait-il pas être considéré en urgence dans nos prises de conscience humanitaires et démocratiques ? Cet ouvrage n’est pas facile à lire… mais révélateur d’une vérité peu reconnue.
Jean-Pierre Touchard
La Découverte – Poche/Sciences humaines et sociales – 2007 – 250 p.