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- Vie quotidienne, Ville, Égypte
Les hommes oubliés de Dieu
Description
Albert Cossery est un merveilleux conteur. Les cinq nouvelles qui composent ce qui a été son premier livre nous introduisent au cœur des quartiers très pauvres de la capitale égyptienne, aux noms pittoresques (la rue de la Femme enceinte, la ruelle Noire, le terrain aux Serpents, le sentier de l’enfant qui pisse…), pour y découvrir tel ou tel de leurs habitants saisis à travers des faits de vie, banals ou insolites, où l’on voit chacun poursuivre qui son labeur, qui son rêve, qui ses amours, qui ses pensées… malgré un destin apparemment sans issue.
La misère est manifeste. Mais elle est comme transfigurée par le regard d’Albert Cossery qui s’intéresse à ce qui agite l’esprit de ses personnages :
– le facteur Zouba qui se venge à sa façon d’Hanafi le repasseur, suite à une lettre de Chantouh le boucher ;
– la jeune fille Faiza amoureuse de Mahmoud le fumeur de haschich ;
– le ferblantier Chaktour qui cherche à comprendre pourquoi Saadi le coiffeur ambulant a empoisonné sa femme ;
– le professeur de mendicité Abou Chawali qui se sent menacé par Tewfik Gad le lettré, lequel professe que les petits mendiants ne doivent plus faire pitié mais se présenter avec “fantaisie” pour susciter l’aumône ;
– l’ancien acteur Sayed Karam qui découvre que sa maîtresse, Raya la caissière, est la “chair martyrisée du peuple” et que les affamés ne rêvent que de pain.
Le titre du livre fait écho à la réponse donnée par Chaktour à une question de son fils au cours d’un dialogue pathétique : « Pourquoi sommes-nous pauvres ? ». Au fil des pages, le lecteur reçoit des perceptions de cette nature, qui en disent long sur le poids d’humanité de ces personnages mis en scène par l’auteur.
Daniel Fayard
Éditions Magnard (Lycée) – 2005 (réédition) – 159 p.
Publié au Caire en 1927, rien d’étonnant à ce que des écrivains comme Henry Miller et Albert Camus aient voulu le faire rééditer respectivement en 1940 et 1946. Il a été à nouveau réédité en 1994 et 2000. Nous connaissons peu cet auteur mais, pour avoir écrit ce qu’il a écrit et de la manière dont il l’a écrit, il devait sinon leur ressembler du moins être habité par eux.