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- Action sociale, Sociologie, États-Unis
Les oubliés du rêve américain
Description
Philanthropie, État et pauvreté urbaine aux États-Unis
Ce livre d’un professeur français de sociologie est issu d’un travail de recherche mené sur plusieurs années, en tant que « Visiting Scholar » au département de sociologie de l’université Harvard aux USA.
Grâce à une enquête de type ethnographique dans les quartiers sud de Boston auprès de ceux qui vivent apparemment l’envers du rêve américain de la réussite sociale (pauvreté, marginalité, ségrégation, violence…) et de ceux qui veulent leur venir en aide, l’auteur entreprend une observation participative au cœur des relations qu’entretiennent avec les habitants de ces quartiers pauvres des personnes salariées appartenant à des strates dirigeantes ou managériales du secteur philanthropique, donatrices venant des élites économiques et sociales. Ces dernières apparaissent ici sous l’appellation fictive de Fondation du Rêve Américain (FRA).
La FRA ne prétend pas instaurer un lien égalitaire entre ses membres et des représentants des habitants mais faire valoir auprès de ceux-ci la nécessité de se mettre ensemble, avec des apports différents, au service de ce qui pourrait être amélioré dans la vie communautaire de ces quartiers, grâce à la participation d’individus aux origines diverses qui auraient à décider eux-mêmes des actions prioritaires à mettre en œuvre.
On l’aura compris, l’enjeu de l’action philanthropique est ici de valoriser les ressources humaines des pauvres pour les rendre acteurs de leur propre promotion commune, constituer ainsi des modèles pour leurs pairs et enclencher une dynamique positive dans leur environnement local.
Chemin faisant, l’auteur ne manque pas de faire des comparaisons avec la conception française de l’action sociale étatique dont la cible est l’individu, pris plutôt dans sa singularité que dans ses appartenances sociales.
On ne saurait mieux exposer les différentes facettes des motivations, des stratégies, des méthodes de ces intervenants sociaux et des moyens dont ils disposent pour un tel don philanthropique. L’auteur ne se contente pas de les analyser, il permet au lecteur d’avoir accès à la teneur même des propos échangés au cours du processus partenarial engagé dans les multiples rencontres de sensibilisation et de mobilisation suscitées par la FRA. C’est d’une grande valeur ajoutée pour prendre la mesure tant des complicités que des ambiguïtés qui se nouent entre salariés et habitants.
Au-delà de l’aspect descriptif de ce mode d’action, Nicolas Duvoux délivre une compréhension de sa raison d’être et de sa légitimité dans le contexte de la société américaine. Mais il n’est pas sans s‘interroger sur ses limites. Par exemple, est-ce que ce ne sont pas seulement les habitants les mieux armés culturellement qui peuvent entrer dans ce jeu partenarial avec des intervenants extérieurs, lesquels pouvant se contenter de cette représentation sans chercher à atteindre les plus pauvres ? Et par ailleurs est-ce que cette mise en œuvre philanthropique, visant la seule participation citoyenne pour améliorer la vie locale, sera demain suffisante pour agir contre les structurations injustes de la société globale qui continuent à générer exclusion, marginalisation et discrimination ?
Daniel Fayard
Presses Universitaires de France – Le lien social – 2015 – 306 p.
Sur le même sujet aux Éditions Quart Monde : Revue Quart Monde n° 226 : Identités, appartenances et vivre ensemble