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- Politique, Sociologie
Les places et les chances
Description
Repenser la justice sociale
« Il existe aujourd’hui deux grandes conceptions de la justice sociale : l’égalité des places et l’égalité des chances […]. La première de ces conceptions est centrée sur les places qui organisent la structure sociale, c’est-à-dire sur l’ensemble des positions occupées par les individus […] Cette représentation de la justice sociale vise à réduire les inégalités de revenus, de conditions de vie, d’accès aux services, de sécurité, qui sont associées aux différentes positions sociales occupées par des individus fort dissemblables en termes de qualification, de talent, etc. L’égalité des places cherche donc à resserrer la structure des positions sociales, sans faire de la mobilité des individus une priorité. Pour le dire en un mot, il s’agit moins de promettre aux enfants d’ouvriers qu’ils auront autant de chances de devenir cadres que les enfants de cadres eux-mêmes, que de réduire l’écart des conditions de vie et de travail entre les ouvriers et les cadres. […]
La seconde conception de la justice, majoritaire aujourd’hui, est centrée sur l’égalité des chances : elle consiste à offrir à tous la possibilité d’occuper les meilleures places en fonction d’un principe méritocratique. Elle vise moins à réduire l’inégalité entre les différentes positions sociales qu’à lutter contre les discriminations qui perturberaient une compétition au terme de laquelle des individus égaux au départ occuperaient des places hiérarchisées. Dans ce cas, les inégalités sont justes puisque toutes les places sont ouvertes à tous. […] Dans ce modèle, la justice commande que les enfants d’ouvriers aient les mêmes chances que les enfants de cadres de devenir cadres à leur tour, sans que l’écart de position entre les ouvriers et les cadres soit remis en cause. […] Cette figure de la justice sociale oblige aussi à tenir compte de ce qu’on appelle la diversité ethnique et culturelle, afin que celle-ci soit représentée à tous les niveaux de la société. […]
En matière de politiques sociales et de programmes, on ne fait pas exactement la même chose selon que l’on donne la préférence à l’une ou à l’autre. Par exemple, ce n’est pas la même chose de miser sur l’augmentation des bas salaires et sur l’amélioration des conditions de vie dans les quartiers populaires, et de faire en sorte que les enfants de ces quartiers aient les mêmes chances que les autres d’accéder à l’élite en fonction de leur mérite. […]
Cet essai est construit comme une espèce de prétoire intellectuel où l’auteur se fera tour à tour avocat, procureur et jury. J’examinerai successivement le modèle des places et celui des chances afin d’en éclairer les forces et les faiblesses. […] De manière à donner à cet examen un aspect pratique, j’examinerai tour à tour trois domaines dans lesquels ces modèles de justice s’appliquent quotidiennement : l’éducation, la place des femmes et celle des minorités visibles. »
Extraits de l’introduction de l’auteur.
C’est au terme de cet examen que François Dubet précise sa préférence pour le modèle des places, source de cohésion sociale.
Seuil – La République des Idées – 2010 – 122 p.