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Les rêves de mon père : L’histoire d’un héritage en noir et blanc
Description
1ère Partie
L’enfance d’Obama se passe à Hawaï et, pour une courte période, en Indonésie, à l’époque ou sa mère épouse un Indonésien. C’est un étranger partout : voilà peut-être l’une des raisons pour lesquelles il s’interroge tellement sur son identité. Lorsqu’il dit : « j’étais différent… un suspect potentiel, je ne savais pas le moins du monde qui était mon propre moi », l’un de ses amis noir se moque de lui, « moi, pas besoin de livres pour me dire comment être noir ».
A cause de sa couleur de peau, Obama doit, comme ses pairs, souffrir de nombreuses vexations. La femme qui occupe l’appartement des grands-parents d’Obama se plaint au régisseur d’être suivie par un type lorsqu’ils prennent le même ascenseur, et elle refuse de croire qu’il habite le même bâtiment qu’elle. Comme ses amis noirs, il parle ouvertement de la façon dont « on se fait avoir par les blancs », par ceux qui trouvent le moyen de vous humilier. « Les Blancs, écrit Obama, au début le mot lui-même passait difficilement mes lèvres. J’étais comme quelqu’un qui trébuche sur une expression difficile d’une langue qui n’est pas la sienne ».
Il trouvait parfois que notre rage à l’égard du monde blanc « n’était rien d’autre que de la “pose”. Si j’avais habité New-York ou Los Angeles j’aurais peut-être compris plus vite les règles d’un jeu où nous jouions gros. A défaut, j’ai appris à naviguer entre le monde des blancs et celui des noirs, car j’ai compris que chacun possède sa langue, ses structures de pensée et ses coutumes propres, et je me suis persuadé qu’avec un peu de souplesse de ma part, ces deux mondes finiraient par trouver leur cohérence ».
Petit à petit il réalise ce qui se passe dans le cœur d’un noir. « Une nouvelle carte du monde se présentait à moi, une carte effrayante dans sa simplicité suffocante dans ses implications ». Les paroles de ses amis noirs lui reviennent à l’esprit : « Nous jouions sur le terrain des blancs, selon les règles des blancs. Si le directeur ou l’entraîneur… voulait vous cracher à la figure, il le pouvait, car il avait le pouvoir, et vous, vous ne l’aviez pas. S’il décidait de ne pas le faire, s’il vous traitait comme un homme ou s’il prenait votre défense, c’est qu’il savait que les paroles que vous disiez, les vêtements que vous portiez, les livres que vous lisiez, vos ambitions et vos désirs, étaient déjà les siens. Quelle que fut la décision prise, c’était la sienne et non la vôtre… ».
2ème partie
Obama s’est plus tard occupé de l’organisation de communautés à Chicago après avoir passé par l’Occidental Collège de Los Angeles et la Colombia University de New-York. Il fait de cette époque un récit très humain, avec un regard pénétrant et la juste note d’humour.
Son travail, pour l’essentiel, concerne le projet de cité de “Altgeld Gardens” au sud-est de Chicago. « Dans le quartier tout le monde appelait Altgeld “Les jardins” pour faire bref, et ce n’est que plus tard que je me suis rendu compte de l’ironie du mot… C’était « une décharge, et un lieu destiné à l’hébergement des noirs pauvres, /…/ unique par son isolement géographique, /…/ des logements pour les noirs loin des quartiers blancs…»
Quelques unes des expériences d’Obama à Chicago peuvent apparaître familières à des volontaires du Mouvement ATD Quart Monde. Dans cette ville il a commencé par interroger les gens pour découvrir les problèmes qui leur tenaient à cœur et qui pourraient les inciter à se regrouper en communauté. Cela s’est souvent avéré plus difficile que prévu. Lorsque les entrevues avaient vraiment lieu, c’étaient toujours les mêmes thèmes qui revenaient : « misère et migration, envie que les choses aillent mieux ».
Obama finit par découvrir les “problèmes” de sa communauté qui vont de la sécurité à l’emploi, à l’école, à la dégradation des logements, à l’amiante dans les constructions, etc. Il se met à organiser la communauté, pas toujours avec succès. Il nous fait le récit de réunions auxquelles personne ne se pointe. Il nous raconte ses tentatives pour rapprocher l’église et la communauté, en dépit des différences de priorités et de la méfiance générale mutuelle.
Le groupe des Black Muslins est l’une des factions qu’il va essayer d’entraîner dans ce difficile rapprochement avec l’aide d’un certain Rafiq. Ici encore sa lutte contre les problèmes raciaux ainsi déclenchés est instructive. « Dans un certain sens, Rafiq avait donc raison de répéter que, aux tréfonds d’eux-même, tous les noirs étaient des nationalistes potentiels. La colère était bien là, contenue et souvent rentrée. Et lorsque je pensais aux adolescents qui se traitaient de “nègres” et pire encore, je me demandais si… Rafiq n’avait pas une fois encore raison de penser qu’il valait mieux canaliser cette colère dans une autre direction, une politique noire qui gommait la colère à l’égard des blancs en général, ou bien celle qui ne parvenait pas à placer le loyalisme racial au-dessus de tout le reste, était une politique inadéquate pour cette tâche ».
Au cours de son séjour à Altgeld il note un changement d’atmosphère : « on avait franchi une frontière invisible, contourné la noirceur abjecte d’un cap… Je le ressentais toutes les fois que je regardais dans les yeux les jeunes gens en chaises roulantes que l’on commençait à voir au printemps dans les rues, des jeunes meurtris avant la fleur de l’âge, leurs yeux sans une trace de pitié pour eux-mêmes, un regard déjà si endurci, qu’il vous effrayait plutôt qu’il ne vous inspirait ». Pourtant, même dans ces moments-là Obama sait, en raison de ses liens personnels avec certains jeunes, qu’il en existe de bons qui prennent encore des choses à cœur. Mais, se demande-t-il, cela suffira-t-il à les sauver ?
3ème partie
Dans cette dernière partie, beaucoup plus personnelle, Obama va au Kenya rendre visite à sa famille paternelle et, pour finir, sur la tombe de son père. En 1991, il a obtenu le diplôme de la faculté de droits de Harvard, dont il a été le premier président noir de la Revue Juridique. De retour à Chicago, il exerce et enseigne le droit civil. « A mon retour, j’ai trouvé les signes d’une dégradation accélérée dans toute la banlieue Sud, un environnement plus délabré, des enfants plus agités et davantage livrés à eux-mêmes, des familles de classes moyennes émigrant de plus en plus vers la banlieue, des prisons regorgeant de jeunes au regard inquiétant, mes frères sans avenir. Il est bien rare qu’on entende les gens se demander ce que nous avons bien pu faire pour rendre si dur le cœur de nombreux jeunes, ou bien ce que nous pourrions collectivement faire pour rectifier leur boussole morale, leur dire sur quelles valeurs fonder leur vie. Au lieu de cela, je nous vois faire ce que nous avons toujours fait : faire comme si ces enfants, en quelque sorte, n’étaient pas les nôtres ».
Seuil – 2008 – 571 p.