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Les Roms : Chroniques d’une intégration impensée
Description
L’ouvrage repose sur des groupes de dialogue organisés par le Centre de Médiation des Gens du Voyage et des Roms en Wallonie (CMGVRW), avec d’une part des services sociaux en contact avec les Roms et d’autre part des familles roms.
1. Chronique historique
L’effondrement du communisme et la guerre en Yougoslavie ont chassé les Roms vers les pays d’Europe de l’Ouest. Mais dans ces pays coexistent un discours politique sur les droits de l’homme et une pratique de plus en plus restrictive du droit d’asile. Ce qui fait peur, plus encore que l’étranger, c’est l’étranger pauvre avec lequel il faudrait partager. Les pays bordant l’espace Schengen doivent appliquer les règles d’admission dans cet espace pour empêcher leurs citoyens de quitter leur pays. Les Roms ont conscience de leur culture, sans en être fiers car ils se sentent stigmatisés en tant que groupe. Ils sont voués au travail au noir et donc à l’exploitation.
2. Chronique juridique
« Tous les Roms qui sont en Belgique veulent travailler et que leurs enfants aillent à l’école ». Mais les écueils de la procédure d’asile sont multiples :
– Il faut prouver un tort subi au niveau individuel.
– Il faut connaître ses droits et répondre à toutes les convocations.
– Les Roms sont souvent stigmatisés comme menteurs.
– Ils n’ont pas d’accès au travail pendant la procédure de demande.
– Les conditions de la procédure changent souvent.
– Les pays d’origine ne veulent pas qu’on sache comment ils traitent les Roms et ne répondent pas aux demandes, surtout s’ils veulent adhérer à l’Union européenne.
Beaucoup de Roms originaires de l’ex-Yougoslavie n’ont pu prouver leur citoyenneté et restent apatrides. Ceux qui sont originaires d’un pays de l’UE peuvent séjourner 3 mois, mais sans droit au travail.
3. Quelles conséquences sur la nature du travail social ?
Les travailleurs sociaux peuvent éprouver de la méfiance et tenter de la nier, ou craindre d’être discrédités par leur proximité avec les Roms, ou montrer une empathie exagérée qui peut apparaître comme une sorte de mépris. Ils s’interrogent sur la source de leurs revenus.
Les Roms ont une approche différente de la vie sociale et de ses codes, qui peut sembler de l’irrespect. Leur parcours les rend méfiants vis-à-vis de tout ce qui est officiel ou autoritaire. Ils peuvent cacher leur identité pour obtenir un travail et être alors qualifiés de menteurs. S’ils se découragent et vont tenter leur chance ailleurs, ils sont considérés comme peu fiables.
Dans une sorte de “colonialisme interne”, la partie dominante de la société détruit les institutions propres de la partie dominée. Elle détruit aussi l’homogénéité de celle-ci, la rendant hétérogène aussi bien par rapport à elle-même que par rapport au dominant. La seule solution est celle qui permet à la population de garder ses institutions stables et fortes pour affronter ses expériences. On encourage la sédentarisation des Roms mais on les oblige à bouger (3 mois de séjour pour les ressortissants européens).
La culture tsigane est une culture de l’oralité, de l’apprentissage de la débrouille (par exemple, les enfants vivent sans horaire). Tout cela n’est pas pris en compte par l’école. ” Tout ce qui vient en amont du problème qu’ils causent et dont ils sont victimes est d’abord un échec cuisant des états : ceux dont ils viennent, anciennement communistes et peinant à passer à un modèle capitaliste sans une cohorte de laissés pour compte, et ceux où ils tentent de se réfugier, hypocrites puisque se présentant comme les chantres des droits de l’homme mais protégeant jalousement les privilèges de leurs classes favorisées “.
L’ouvrage présente aussi quelques pistes pour adapter le travail social à cette population : accepter un usage secondaire des services sociaux (l’accompagnement) ; accepter un suivi temporaire qui peut être efficace ; s’appuyer sur la réalité des situations plutôt que de planifier ex abstracto.
Annick Mellerio
Couleur Livres – Détournement de fond – 2012 – 112 p.