Bibliographie
- Emploi-Chômage, Jeunesse
Leurs enfants après eux
Description
Tous les deux ans, de 1992 à 1998, en quatre chapitres, nous sommes immergés pour quelques jours d’été à Heillange. Les personnages nous entraînent dans les différentes parties de cette ville de province qui symbolisent son histoire et esquissent un tableau sociologique de sa population : les terrains vagues abandonnés aux carcasses d’usines ; le centre ville historique ; le lac entouré d’un bois ; le skatepark ; les quartiers résidentiels des notables et de ceux que l’ambition, la chance et l’argent ont hissé vers le haut ; les quartiers ouvriers dont la plupart des habitants ont connu le chômage, les petits boulots, et pour certains la dégringolade plus ou moins définitive et précipitée par l’alcool, à l’écart ; la ZUP habitée essentiellement par les immigrés et fief du trafic de drogue ; et puis des zones imprécises, évoquées à deux reprises, en marge et sans lien avec le reste des habitants, des “familles tuyau de poêle”… “marginales”, qui vivent “d’allocations et de menus larcins”.
On assiste à l’évolution de cette ville qui, au cours des six années, tente de sortir de la désindustrialisation par la construction de centres commerciaux et le développement du tourisme.
Le roman décrit le quotidien d’une ville de province où tout le monde se connaît, ses bistrots, son 14 juillet au bord du lac réunissant tout le monde, la liesse de la demi finale de coupe du monde : des manifestations d’unité et de fête qui masquent mal les dégâts provoqués par la honte et l’humiliation.
C’est l’été, les vacances, la chaleur est insupportable. Adultes et jeunes fument beaucoup, boivent en continu des bières et des alcools forts auxquels les jeunes ajoutent les joints qui tuent l’ennui et tiennent lieu de lien entre eux.
Les jeunes tournent en rond, roulent à mobylette, ou à moto, parfois volée, à fond de train et sans casque. Les motos jouent un rôle permanent dans le roman, à la fois moyen de libération et à l’origine d’événements tragiques. Les garçons et les filles se cherchent mais les désirs ne se rencontrent pas forcément. Les relations plus sexuelles qu’amoureuses occupent leur esprit.
Dans ce roman à l’écriture très sensuelle, les corps, plus que la parole, rare et maladroite, occupent beaucoup de place, que ce soit dans les confrontations violentes ou les scènes de relations sexuelles entre les jeunes.
Ces jeunes, âgés de quatorze ans au début du roman, quel que soit leur héritage familial de départ, partagent le même rêve de quitter cette ville étouffante mais tous ne vont pas réussir et le pire est sans doute pour les deux garçons qui, après avoir saisi une opportunité pour partir, se retrouvent à la fin à marcher dans les pas presque inchangés de leur parents.
Brigitte Bureau
Actes Sud – 2018 – 427 p.
