L’action publique en questions
L’ouvrage se présente en deux parties : l’analyse critique de la légitimité de l’action publique et la proposition d’une action publique au nom de la justice sociale.
1. La légitimité de l’action publique repose sur trois ordres :
- L’ordre public repose sur une logique de propreté et de tranquillité qui n’est pas un état naturel et ne peut reposer sur le bon sens car il s’agit généralement du bon sens de ceux qui sont en position dominante. “L’enjeu démocratique en termes d’ordre public, concerne les usages sociaux de la rue, et ceux-là ont à être négociés.” Dans le phénomène NIMBY (not in my back yard), le problème n’est pas que les gens soient égoïstes mais que la loi leur donne raison.
- L’ordre moral propose au sujet de changer, non seulement pour ne pas gêner les autres, mais pour son propre bien (exemple de l’alcool). Ainsi la loi définit les bons parents – ceux dont les enfants ne sèchent pas l’école -, les bons chômeurs – ceux qui veulent trouver leur épanouissement dans le travail et montrer leur utilité sociale. On fait la chasse aux mendiants en oubliant que “fondamentalement, les gens à la rue sont là parce qu’ils n’ont pas les conditions sociales minimales d’existence qui leur permettraient de vivre ailleurs”. L’ordre moral repose sur une pénalisation de l’oisiveté et la revalorisation de l’autorité.
- L’ordre social : la république a été impuissante à réaliser l’égalité des droits. A la place d’un État social chargé de réparer les dégâts fait par l’économie, certains auteurs proposent “un État social qui régule les rapports sociaux au sein de la sphère économique dans une visée d’intégration de l’ensemble des membres d’une société”. Actuellement, l’action publique fait toujours passer le social au second plan et reste dans un modèle de réparation.
“On intervient d’abord, au niveau des politiques publiques, en raison des incivilités et ou de l’indignité. Parallèlement, on laisse faire la logique de concurrence et d’exclusion, puis on intervient après coup auprès de ceux qui ont été éjectés du système, de façon individuelle et réparatrice.”
2. Proposition d’une action publique au nom de la justice sociale.
La politique est devenue une instance de gestion des affaires publiques de plus en plus étrangère aux citoyens. Bien qu’identifié comme un problème majeur de nos sociétés, le développement des inégalités est traité comme marginal : “les inégalités économiques sont occultées comme si la richesse et la pauvreté étaient dépendantes de facteurs individuels de compétence, de mérite et non de facteurs sociaux.” “La question de la justice [sociale] ne va pas tant être de savoir si les sujets sont égaux en droits mais s’ils peuvent exercer ceux-ci, compte tenu de ce qu’ils sont, dans des situations sociales et politiques déterminées.”
Pour former les cadres d’une société plus juste, les politiques publiques doivent définir les critères et les processus de redistribution de l’argent public :
- les aides indirectes (musées, universités) doivent être définies à partir des besoins des plus démunis (toilettes publiques gratuites) : se loger, être propre…
- les aides directes doivent soutenir le travail plus que le capital et dépendre du niveau de richesse du destinataire.
- les aides liées aux droits sociaux doivent être adossées au statut de citoyen et non plus à celui de salarié. “La société est aussi un espace de luttes pour la reconnaissance et, si les conditions matérielles sont au fondement de l’existence sociale, il faut penser aussi les conditions qui permettent de mener cette lutte à armes à peu près égales, en étant reconnu digne d’estime sociale”.
Un ouvrage passionnant, très riche, appuyé sur des exemples, dans un style plutôt accessible.
Annick Mellerio
Éditions Érès – 2006 – 188 p.