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Où sont les « gens du voyage » ?
Description
En 2019, suite à lexplosion de lusine Lubrizol à Rouen, William Acker est amené à défendre les intérêts des occupants les plus impactés vivant sur laire daccueil pour gens du voyage installée au pied de lusine. Juriste et lui-même issu dune famille de voyageurs, lauteur découvre que la France ne dispose daucun recensement des lieux daccueil assignés aux gens du voyage. Il décide de combler ce manque et publie une cartographie de toutes les aires, décrivant leur localisation, leur état, leur fonctionnement Le recensement des aires « daccueil » des gens du voyage sur tout le territoire établit clairement une relégation presque systématique dans les zones les plus polluées et les plus dangereuses, là où aucun être humain ne devrait être contraint de séjourner et encore moins de vivre. Cette approche originale a valu à cet ouvrage le prix du livre de lécologie politique en 2022.
Son travail ayant soulevé un grand intérêt William Acker le complète par le présent livre, dans lequel il analyse plus largement ce que cette cartographie dit de lanti-tsiganisme constant dans lhistoire des mentalités mais aussi dans la législation et lorganisation de notre société pensée par et pour les sédentaires.
Lévolution des lois depuis la fin du XVIII° siècle montre comment le législateur sest attaché à encadrer, ficher, contrôler les personnes jamais admises à une pleine citoyenneté du fait, surtout, de leur mode de vie itinérant.
Le point de vue de lintérieur porté par lauteur rend également très intéressante sa réflexion sur la façon dont les personnes sont nommées et/ou se nomment elles-mêmes, et ce que ces noms disent de la place qui leur est assignée par la société. William Acker critique par exemple lutilisation de lexpression « communauté des gens du voyage » qui ne repose sur aucune réalité et sert souvent à la stigmatisation. Pour lui, insister sur les différences (dorigine, de religion, de positionnement par rapport aux « gadgés » et à leur mode de vie ) ne sert quà accentuer les divisions déjà à luvre entre les personnes elles-mêmes et leurs représentants, et à justifier les pratiques clivantes de la société (la dernière en date étant de distinguer les gens du voyage français et les Roms étrangers). Cest pourquoi lauteur propose de sen tenir à lexpression « gens du voyage » qui renvoie à ce fondement commun de leur culture, le « Voyage », dont le sens et la portée vont bien au-delà de litinérance, et qui constitue leur écart à la norme, écart qui, comme celui de toutes les minorités, pourrait enrichir la société au lieu de justifier le rejet.
Brigitte Bureau
Editions du commun – 2021 – 285 p.