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Pauvres en droits
Description
Irène Khan, née au Bangladesh, a occupé plusieurs postes de responsabilité au Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) aux Nations Unies, avant d’être secrétaire générale d’Amnesty International de 2001 à 2009. Elle a pu ainsi suivre l’évolution qui s’est faite au sein des ces organismes quant à la prise en compte de ce qu’on nomme « les droits humains » dans les traités concernant la lutte contre la pauvreté. La proclamation des droits humains dans la déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) remonte à 1948 ! Elle rappelle pourtant que, pendant la guerre froide, l’ONU avait décidé de diviser ceux-ci en deux traités distincts : l’un relatif aux droits économiques et sociaux, l’autre relatif aux droits civils et politiques ; les États-Unis refusant de ratifier le premier, la Chine le second…
Ce n’est qu’en 1996 que Kofi Annan s’est engagé à intégrer la notion de respect des droits humains dans tous les textes de l’ONU concernant la lutte contre la pauvreté. Et ce n’est qu’en 2001 que Amnesty International a voté sa nouvelle mission « orientée vers la protection de tous les droits énoncés par la DUDH. »
Quels sont ces droits humains ? L’accès à un logement décent, à l’eau potable, à l’alimentation et à des soins médicaux, constitue la base d’une existence digne et correspond à des besoins élémentaires, relatifs aux droits économiques et sociaux reconnus, au moins officiellement, par la plupart des pays. Mais il y a d’autres droits et il est « désormais impératif que des actions soient entreprises pour lutter contre les privations de toute sorte, contre l’analphabétisme, l’insécurité, l’exclusion, et pour renforcer le droit à la parole citoyenne ». L’auteure décrit non seulement comment ces droits sont bafoués en maintenant les populations dans un état de pauvreté extrême mais aussi comment les rendre effectifs. Elle définit « la pauvreté comme un problème de droits humains, dont la solution la plus efficace repose sur leur respect » et n’hésite pas à en faire une exigence politique.
Le thème qui sous-tend l’ouvrage peut se résumer ainsi : la croissance économique ne peut à elle seule résoudre le problème de la pauvreté et faire disparaître les énormes disparités qui perdurent entre pays pauvres et pays riches, et aussi entre pauvres et riches dans les pays les plus développés. Elle rappelle que « la crise financière qui a progressivement frappé toutes les régions du monde depuis 2008 révèle la grande fragilité d’une stratégie de lutte contre la pauvreté s’appuyant essentiellement sur la croissance économique. » Elle décrit les échecs entraînés par l’espoir que les droits viendront à être garantis par l’économie de marché, alors que dans ce système, « les individus les plus pauvres sont les derniers à profiter de l’essor économique, et les premiers à souffrir de ses contrecoups ».
Un autre thème du livre concerne l’évolution des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). En effet si la Déclaration du Millénaire de l’ONU signée en l’an 2000 « aborde la question de la pauvreté planétaire avec la langue du droit », les OMD, censés reprendre ses engagements, exonèrent « les États signataires de toute obligation de remédier à la discrimination, de protéger les droits syndicaux des pauvres », de procéder à une évaluation significative des restrictions des libertés, de leur permettre un droit de regard sur les mesures qui les concernent ; aucun des huit objectifs des OMD n’exige que les gouvernements « protègent les libertés élémentaires […] essentielles à une implication citoyenne » et les contraigne à « abolir la violence faite aux femmes ».
« On ne parviendra pas à vaincre la pauvreté si l’on ne donne pas aux pauvres le pouvoir de prendre eux-mêmes les décisions qui détermineront leur existence » conclut l’auteure.
Jean-Pierre Touchard
Éditions Max Milo / Amnesty International – 2010 – 285 p.
Sur le même sujet, aux Éditions Quart Monde :
Les plus pauvres, révélateurs de l’indivisibilité des Droits de l’homme