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Pourquoi moi ? L’expérience des discriminations
Description
Les propos des participants à la recherche – 180 personnes : femmes, migrants et personnes des minorités sexuelles – sont analysés et classifiés sans négliger la complexité des interprétations et le danger de la schématisation. L’autre point fort de l’ouvrage est de s’appuyer sur des travaux de recherche en sociologie et sur des écrits de philosophes, ethnologues ou romanciers qui inscrivent ce travail dans une perspective humaine et individuelle avant d’être sociale ou politique.
Comment les discriminations sont-elles vécues par ceux qui les subissent ?
Les quatre premiers chapitres présentent une variété de ressentis, depuis les expériences dites totales – traduites par les termes colère, écrasement et réclusion – jusqu’à des réactions plus subtiles avec toutes les mises à distance possibles : détachement, dissociation en réponse au choc subi. Le lecteur comprend mieux l’altération possible de la conscience identitaire des personnes se sentant, à tort ou à raison, discriminées. L’examen des rapports entre stigmatisation (action symbolique) et discrimination (action pratique) se démarque des rapports établis entre les deux concepts par le marxisme classique puis par Pierre Bourdieu.
Les personnes des classes moyennes et supérieures immigrées ou issues de minorités se sentent-elles aussi discriminées que les plus pauvres ? Deux hypothèses décrites par la sociologie américaine servent de cadre théorique : celle de l’école de Chicago qui décrit une intégration linéaire qui ferait gommer les discriminations au fur et à mesure de l’avancée dans le temps, une autre, apparue dans les années 60, qui nuance cette vision des choses en insistant sur la nécessité de prendre en compte tous les aspects de l’intégration et la persistance des différences ethniques. Les auteurs montrent que le sentiment de discrimination peut être exacerbé dans les classes moyennes et supérieures puisque les autres inégalités sociales ont été abolies par les réussites scolaires et professionnelles.
En comparant des récits d’expérience, les chercheurs tentent d’expliquer pourquoi l’école reste un lieu où les discriminations sont fortement ressenties alors qu’à l’hôpital les personnes accueillies les dénoncent moins que le personnel.
Alors que faire de la diversité ? Cette question marque aussi les domaines de forte représentation comme la politique et les médias. Un chapitre est consacré aux effets pervers des injonctions diverses. La façon dont les intéressés perçoivent l’action des associations qui parlent en leur nom, suivant des principes divers, amène à conclure que ce sont les débats suscités qui transforment progressivement la société.
Le chapitre de conclusion Des épreuves aux enjeux ouvre sur les transformations de la société que tout ce travail de compréhension des discriminations permet d’engager : justice sociale, fraternité, pensée nouvelle de la notion de nation.
Catherine Cugnet
Éditions du Seuil – 2013 – 384 p.