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Stardust
Description
On connaît Léonora Miano, écrivaine franco-camerounaise pour ses romans, notamment Lintérieur de la nuit, Afropea, Rouge impératrice, plusieurs fois lauréats de prix prestigieux. Voici quà lâge de 50 ans, elle publie un livre le premier quelle avait écrit, il y a plus de 20 ans, et quelle navait jamais publié. Elle y raconte, sous son deuxième prénom, Louise, sa propre plongée dans lunivers de la précarité. À la troisième personne, elle introduit ainsi son récit : « Lasse de lerrance en couple, elle avait préféré se débrouiller seule. Impossible de rester auprès dun garçon qui ne parvenait pas à devenir un homme. En une fraction de seconde, elle avait décidé de sauter sans filet. Cétait le seul moyen dempêcher la haine de sinstaller là où il ny avait déjà plus de respect. Elle avait emmené Bliss, serrant contre son cur la plus belle part de lui. Alors quun soleil pâle sapprêtait à trouer les nuages, Louise avait dit : Je pars avec la petite. Pas un mot de plus. »
Avec beaucoup de réalisme, elle décrit les mois passés dans un centre daccueil pour femmes rue de Crimée à Paris. Il faut survivre, et pour survivre se battre pour le contenu dun sac de vêtements qui vient dêtre donné. Il faut survivre, et donc dune certaine manière, se distinguer des autres, ne pas sombrer comme les autres femmes, tenir la tête hors de leau,
La description du mal-être des préposés à laide, eux-mêmes marginalisés, dévalorisés par la société et ses élites politiques et administratives est elle aussi cruellement réaliste.
Enfin, Léonora Miano consacre quelques pages aux militants qui se proposent de venir en aide à ces femmes. De ceux quelle appelle les « cavaliers de la fin de linjustice sociale », elle dresse un portrait saisissant : « Bourrés de caféine, de nicotine. Assoiffés, eux aussi, de reconnaissance. Ils veulent monter un show. Rentrer dans le lard du Système. Lui tailler des croupières au péril de leurs vies à elles, les femmes de Crimée. Ils ont choisi ce créneau après mûre réflexion. Sur les autres champs de bataille, les généraux sont connus. Ils doivent être les premiers quelque part. Faire connaître leur association. Linstaller. Quelle devienne incontournable en matière de droit à lhabitat. ( ) Si les choses tournent au vinaigre, ils sen tireront avec les honneurs. Passeront pour des citoyens volontaires. Concernés. Prêts à risquer une courte garde à vue pour la cause des sans domicile. Ils ne disent pas comment ils comptent les protéger. Ces femmes de Crimée qui leur font confiance. Naïves comme des fillettes. ( ) Louise refuse de se fier à des gens qui admettent, de manière implicite, le principe des dégâts collatéraux. Pour elle, leur logique est la même que celle de lennemi quils prétendent combattre : ils se servent des faibles pour arriver à leurs fins. » Cruel sans doute, excessif peut-être, mais tellement salutaire.
Jean Tonglet
Grasset – 2022 – 220 p.
Compte rendu publié dans la Revue Quart Monde n° 269 : Choisir le volontariat