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Vivre sans abri
Description
De la mémoire des lieux à l’affirmation de soi
Conférence-débat de l’Association Emmaüs à l’École normale supérieure
Claudia Girola, qui travaille depuis vingt ans auprès des sans-abri, a pu étudier l’évolution de ce phénomène social devenu question récurrente dans les analyses sociologiques. Le terme sans-abrisme indique à quel point le phénomène s’est installé dans notre quotidien. Ce petit livre adopte davantage une approche anthropologique, un regard qui se focalise plus sur ce que sont ces personnes sans protection, que sur l’image à connotation souvent négative qu’on s’en fait.
L’auteur le répète : « le sans-abri est une personne sociale et non asociale ». Elle cherche par là à comprendre ce qui relie ces personnes à notre monde commun, en quoi elles en font partie, à déceler avant tout les relations qu’elles maintiennent avec la société, en somme à trouver « ce que nous pouvons apprendre de leurs situations de vie extrêmes ».
Elle découvre ainsi que les conditions matérielles que ces personnes subissent n’entraînent pas forcément la perte des repères fondateurs de l’existence, les rapports à l’espace et au temps. Elle affirme que leurs conditions limites d’existence les conduisent plutôt à un travail identitaire, à un travail d’affirmation de soi. Elles gardent une mémoire sociale, même si celle-ci leur est déniée ; elles maintiennent une histoire de vie inscrite dans l’espace qu’elles ont connu antérieurement ou qu’elles habitent désormais.
Les populations en grande précarité, qui sont légalement sous la responsabilité de l’État, sont souvent considérées par les communes comme des « sans-droit à la cité », qui ne sont « pas d’ici », qui sont de « nulle part » et passibles d’expulsion territoriale. Or l’auteur insiste sur l’étonnante multiplicité d’activités qu’exige leur vie : récupération de nourriture, défense de leur territoire, recherche de lieux où faire la manche, petits boulots, accès aux bureaux d’aide sociale, etc. Tout cela constitue une nécessaire adaptation à un temps fragmenté mais organisé qui demande une énergie considérable « pour garder la sauvegarde du corps et donc le maintien de soi face aux regards des autres ».
Éditions Rue d’Ulm – La rue ? Parlons-en ! – 2011 – 68 p.