Communiqué de presse – Jeudi 20 avril 2023
Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a réceptionné ce mercredi un rapport attendu du Haut-Commissaire à l’emploi et l’engagement des entreprises, Thibaut Guilluy, préparant la création de « France Travail ». Ce rapport dessine notamment les premières sanctions contre les allocataires du RSA qui devront justifier de nouvelles obligations pour percevoir leur allocation. Il ne fait que confirmer les inquiétudes soulevées par ATD Quart Monde depuis des mois.
Tout d’abord, on peut s’interroger quant à la méthode : outre le manque de participation des premiers concernés, le gouvernement a d’ores et déjà annoncé que certaines mesures devraient figurer dans la loi Travail prévue avant l’été, sans même attendre les évaluations des expérimentations sur le RSA conditionné qui viennent – au mieux – tout juste de démarrer dans 18 territoires.
ATD Quart Monde regrette par ailleurs qu’à l’issue de ce rapport, on n’en sache guère plus sur le contenu réel de l’offre de services autour des 15 à 20 heures d’activité. Ce flou persistant laisse la porte ouverte au renforcement de situations de sous-emploi, certains responsables politiques y voyant en outre l’occasion de rapprocher les allocataires du RSA des « métiers en tension ».
Le système de sanctions est quant à lui bien abordé, puisque le mot « sanction » revient pas moins de 85 fois dans le document. La proposition 67 prévoit notamment la création d’une sanction « intermédiaire » dite de « remobilisation ». Alors que rien ne prouve l’effet mobilisateur de la politique du bâton, ATD Quart Monde réitère son opposition à tout renforcement de mesures coercitives qui viendraient priver les allocataires d’un revenu de survie.
« Bâtir la société de demain, à partir d’une vérité découverte et non d’une leçon apprise »
Cette citation de Joseph Wresinski, mise en exergue à la page 257 du rapport rendu par Thibaut Guilluy, aurait dû inspirer davantage le gouvernement plutôt que de servir d’alibi à une politique qui n’est en rien fidèle à ce que défendait le fondateur d’ATD Quart Monde et dont le rapport au CESE en 1987 avait inspiré la création du RMI.
Ce dernier avait en effet été conçu comme une protection inconditionnelle pour celles et ceux qui en ont besoin pour vivre dignement. Au contraire, conditionner davantage le RSA risque encore d’aggraver l’insécurité des personnes en situation de grande pauvreté et le non-recours – qui s’élève à 34 % pour le RSA – en instaurant un véritable chantage à l’allocation.
Ainsi, loin de partir « d’une vérité découverte », cette réforme témoigne d’une véritable méconnaissance de la réalité de vie des personnes les plus pauvres et s’appuie sur des idées fausses et des principes dogmatiques qui ressemblent bien à des « leçons apprises ».
Laisser penser que le retour vers le « plein-emploi » ne dépendrait que de la motivation des personnes privées d’emploi, que la majorité des allocataires se satisfait de survivre avec 600 euros par mois et ne souhaite pas travailler ne tient pas. L’engagement à nos côtés de nombreuses personnes allocataires du RSA et les expérimentations comme Territoires zéro chômeur de longue durée ou celle menée par ATD Quart Monde pour accompagner des personnes en grande précarité vers des formations du secteur de l’animation sociale montrent tout le contraire.
La réalité est telle que, bien que s’inscrivant dans des dynamiques de recherche d’emploi ou de formation, les personnes les plus éloignées du monde du travail se heurtent trop souvent à de nombreux obstacles : garde d’enfants, mobilité, problèmes de logement et/ou de santé, offres d’emploi décent inexistantes sur certains territoires, discriminations…
Osons d’ailleurs rappeler que le retour à l’emploi n’est pas la voie unique vers la sortie de la pauvreté : plus que des relooking ou des coaching en entretiens d’embauches prodigués par des prestataires extérieurs, nombre d’allocataires du RSA attendent surtout la garantie d’un accompagnement social à la mesure des enjeux actuels d’accès au logement, à l’éducation, à la santé et aux autres droits fondamentaux. La lutte contre la pauvreté doit être multidimensionnelle.
C’est pourquoi ATD Quart Monde rappelle ses demandes principales :
- Le gouvernement doit attendre un bilan des expérimentations qu’il a lui-même lancées avant de généraliser par la loi des principes qui n’ont pas démontré leur efficacité sur le terrain. Cette évaluation doit permettre la participation des premiers concernés.
- L’inconditionnalité et la revalorisation du minimum garanti, afin d’assurer à chacune et chacun des moyens convenables d’existence : une mesure plus efficace en matière de lutte contre la pauvreté.
- Un accompagnement conçu comme un droit, non comme une obligation : il doit être global et fondé sur la confiance, la reconnaissance des talents et des ressources des personnes, et non pas sur la contrainte et la peur. Ce droit doit être opposable comme le préconise ATD Quart Monde dans son rapport d’évaluation du RSA pour la Cour des comptes. Cela demande des moyens financiers et humains supplémentaires.
Pour Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart Monde : « Nous refusons toute conditionnalité du RSA, qui n’est pas un choix mais le dernier filet de sécurité pour les 2 millions de personnes qui le perçoivent. S’il est imparfait, toute réforme devrait venir combler ses imperfections et non pas les aggraver. Les récentes sorties médiatiques de plusieurs ministres comme les préconisations de ce rapport montrent que nous sommes loin de l’apaisement prôné par Emmanuel Macron. Mais le gouvernement peut encore faire le choix d’honorer le devoir de solidarité nationale de l’Etat vis-à-vis des plus fragilisés, au lieu d’entretenir le poison de la division en promouvant des politiques publiques qui les pointent du doigt. »
Contact presse
Emilie Perraudin / emilie.perraudin@atd-quartmonde.org / 06 28 61 69 05