La Révolution française a jeté les bases de la démocratie en France, déclarant que les hommes naissent libres et égaux en droits. Pourtant en 1789, les plus pauvres ne sont pas représentés aux Etats généraux et force est de constater que, deux siècles plus tard, ils restent sous-représentés dans nos institutions comme dans le débat public. Afin d’éclairer le débat à la lumière de l’Histoire, les Editions Quart Monde publient les Cahiers du quatrième ordre de Louis-Pierre Dufourny de Villiers, dans une nouvelle édition enrichie, introduite et commentée par l’historienne Michèle Grenot.
Louis-Pierre Dufourny de Villiers publie ces Cahiers du quatrième ordre le 25 avril 1789, indigné devant le fait que ceux qui ne paient pas six livres de capitation ne soient pas considérés comme des citoyens et ne puissent donc pas participer aux assemblées de district – lesquelles rédigent à Paris les cahiers de doléances et élisent leurs représentants en vue des États généraux.
Protagoniste méconnu de la Révolution française, Dufourny se révèle dans ces Cahiers fin observateur et penseur de ce moment. Alors que beaucoup, à l’instar de l’abbé Sieyès considèrent que les plus démunis sont incapables de penser, Dufourny revendique au contraire pour eux, le droit à l’expression et à la représentation, comme des citoyens à part entière. Ce sera l’un des enjeux de la Révolution : le régime censitaire institué en 1791 sera supprimé par la Constitution de 1793 avant d’être rétabli par celle de 1795… pour n’être finalement abolit que pendant la Troisième République.
Une approche contemporaine au cœur de cette nouvelle édition
Au cœur des préoccupations actuelles de la société française et de la crise démocratique qui la traverse, la question de la participation de tous au débat politique interpelle plus que jamais. Certes depuis 1948, droits économiques, sociaux, civils et politiques sont considérés comme « universels et interdépendants » mais de fait, bien des progrès en France et dans le monde, restent encore à faire. Il en va d’un enjeu politique, mais aussi du regard porté sur la place accordée aux plus exclus dans nos sociétés.
Ainsi, en plus de rendre aux pauvres et à la société ce pan de l’Histoire, cette réédition enrichie des Cahiers du quatrième ordre entend faire réfléchir sur les fondements de notre démocratie. Le miroir tendu par Dufourny, depuis 1789 et les grandes heures du roman national, nous pousse à nous interroger encore une fois sur les notions de contrat social, de citoyenneté et de représentation.
Parallèlement à cette réédition, une journée d’échanges organisée par le groupe Panthéon-Sorbonne-ATD Quart Monde s’est tenue le 20 mai dernier sur le thème « Qui est digne d’être citoyen ? ». A revoir ici :
Louis-Pierre Dufourny de Villiers, Cahiers du quatrième ordre, 76 pages, 8 euros
Les auteurs
Louis Pierre Dufourny de Villiers, homme politique français né en 1738, s’inscrit dans ce temps des Lumières assoiffé de savoirs et de progrès. Ces Cahiers du quatrième ordre marquent sa défense des infortunés et son entrée dans la Révolution dont il sera l’un des protagonistes jusqu’à sa mort en 1796.
Michèle Grenot, engagée de longue date au sein d’ATD Quart Monde, est notamment l’auteure de Le Souci des plus pauvres. Dufourny, la Révolution française et la démocratie (PUR, 2014).