La chronique de Bella Lehmann-Berdugo
Harka
Lotfy Nathan. Fiction. Tunisie. VOST. D’après une histoire vraie. 2 novembre.
Ali, jeune Tunisien, vend de l’essence de contrebande. Racketté par la police corrompue, il voudrait fuir son pays, sans avenir depuis les faux espoirs du Printemps arabe. Mais il doit soutenir ses sœurs à la mort du père. Il accepte d’autres combines dangereuses. Ali est taiseux, épuisé, désespéré, sa colère gronde, la nôtre aussi. L’histoire intime d’un homme dans la survie, portée par une interprétation incandescente.
Le monde de Kaleb
Vasken Toranian. Documentaire. France. 2 novembre.
Dans le monde de Kaleb, il y a sa mère Betty, Éthiopienne sans papiers. Elle vit d’emplois de ménage, au Samu social. Le père de Kaleb a disparu. Il y a Jean-Luc, père de substitution. Tailleur, très investi auprès de cette famille monoparentale. Enfin Mehdi, sorte de grand frère. À des degrés différents, tous sont des « cabossés de la vie ». Au- delà des démarches administratives et sociales, le film explore les liens forts d’une famille qui s’est trouvée.
La mesure des choses
Patric Jean. Documentaire. France. 9 novembre.
« J’ai mesuré le monde pour lui imposer ma volonté de maître. L’or devint la mesure de tout, le monde s’est vengé », déclare Dédale à son fils Icare. Jacques Gamblin, tel un chœur antique, scande ces paroles mêlées à des images devenues terriblement banales : marché aux poissons ensanglantés gueules ouvertes, tortues de mer étouffées par le plastique, teinturiers de Fez harassés, milliers de containers, chaînes d’usines, naufragé ghanéen, réfugié irakien et un infirmier du camp de Moria, en Grèce… Une juxtaposition parfois un peu « facile » joue sur les émotions et lance un cri à la jeunesse : « Garde à l’esprit mes erreurs, Icare ! » À la fois lyrique et réaliste, poétique et politique.
Les pires
Lise Akoka, Romane Guéret. Fiction documentaire. France. Prix Un certain regard Cannes. 23 novembre
Un tournage a lieu cité Picasso, à Boulogne-Sur-Mer. Lors du casting, quatre ados, Lily, Ryan, Maylis et Jessy sont choisis pour jouer dans le film. Tout cabossés qu’ils soient, les pires s’avèrent intelligents, lumineux. Dès lors s’invente un film dans le film où les héros vivent leur vie et leurs rêves au beau milieu d’une équipe imbriquée dans l’histoire -réalisateur y compris- et des habitants incrédules. On plane au-dessus de la banlieue. On ne sait pas toujours si l’on est dans la fiction, l’improvisation ou la réalité. Peu importe. On se laisse porter par leur langage au couteau, leurs regards bleus et leur formidable énergie vitale.
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