Dans un quartier qui regroupe près de 5 000 logements pour plus de 17 000 habitants, la Bibliothèque de rue de Grigny, dans l’Essonne, pose chaque semaine ses valises remplies de livres.
Vers 16 h, chaque mercredi, les animatrices de la Bibliothèque de rue arrivent chargées de livres au pied des immeubles du square Surcouf. Pendant qu’elles commencent à installer une toile et des tabourets sur un petit bout d’herbe, les “anciens enfants” de la Bibliothèque de rue viennent les saluer. Ils ont 16-17 ans, mais semblent nostalgiques de cette époque, pas si lointaine, où ils venaient s’installer confortablement, un livre à la main. Avec fierté, Fanta montre le flan qu’elle vient de préparer, dans le cadre de son bac pro en pâtisserie. Puis les adolescents s’éloignent vers d’autres activités, tandis que les plus petits arrivent par grappes, à partir de 16 h 30.
Jordan, son ballon de basket sous le bras, passe jeter un œil. Déçu de ne pas trouver de mangas à lire, il s’éloigne. Pour fêter l’arrivée du printemps, les animatrices proposent aux enfants d’écrire des haïkus, ces petits poèmes d’origine japonaise. Assil, 10 ans, est tout de suite emballée par l’idée. Rapidement, d’une écriture appliquée, elle rédige plusieurs poèmes. “Quand le vent s’écarte, nos esprits partent !”, “Comparés aux insectes, nous sommes grands, sauf qu’ils méritent le respect comme tout être sur terre. Ne pas se vanter, car il y a toujours une personne qui a plus et moins que nous”, déclame-t-elle ensuite.
Une ambiance joyeuse
D’un côté de la bâche, Valentina, 6 ans, demande à l’une des animatrices de lui lire pour la seconde fois l’histoire de la sorcière Cornebidouille. De l’autre côté, un jeune garçon lit à voix haute quelques bulles de l’album On a marché sur la lune et s’absorbe pendant plus d’une heure dans cette aventure de Tintin. Boulaye, Issa, Mohamed et Alpha tournent autour du petit groupe, sans avoir vraiment envie de lire, mais en profitant de l’ambiance joyeuse. Un peu à l’écart, Fatima, 7 ans, et Emmanuella, 9 ans, répètent une saynète improvisée par une animatrice la semaine précédente. Fatima sait toutes les répliques par cœur et s’amuse beaucoup à prendre une grosse voix pour jouer le loup qui veut dévorer la chèvre de Monsieur Seguin. Sur les tabourets blancs, Aïcha, Coumba et Rimas sont plongées l’une dans un magazine, l’autre dans une bande dessinée et la troisième dans un atlas.
Puis, pour ceux qui viennent régulièrement, c’est l’heure de choisir un livre à emporter chez soi. Francisca n’ose pas prendre celui dont elle a envie, de peur que son petit frère ne l’abîme. Bernadette, l’une des animatrices, lui propose de le mettre en hauteur, mais la petite fille affirme que ce n’est pas possible, car il y a déjà ses affaires scolaires.
À 17 h 30, après une dernière chanson entonnée par trois enfants, il est temps de ranger les livres. Les petits lecteurs s’éparpillent d’un coup. “Les papillons se sont envolés, on n’a pas le temps de se dire au revoir”, regrette Bernadette. Aucune séance de la Bibliothèque de rue ne se ressemble. Qu’il y ait seulement deux ou trois enfants ou une quinzaine, qu’il pleuve ou qu’il fasse très chaud, que le groupe se réfugie dans le hall d’un immeuble près des boîtes aux lettres ou se prélasse sur l’herbe, l’envie de partager un bon moment ensemble est bien là chaque mercredi, toute l’année.
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de mai 2024.
Photo : La Bibliothèque de rue de Grigny en mars 2024. © Julie Clair-Robelet, ATD Quart Monde