“Le climat et la nature changent. Quelles propositions pour agir ensemble ?” Tel était le thème de réflexion choisi pour l’Université populaire Quart Monde qui s’est tenue à Reims toute la journée du 13 avril. L’Université populaire Quart Monde de Champagne-Ardenne avait, pour l’occasion, invité les membres de l’Université populaire Quart Monde de Lorraine, venus en bus à 40 personnes. Leur invité était Michel Magniez, adjoint au maire de Saint-Quentin, dans l’Aisne, chargé du développement durable. Le département Écologie et grande pauvreté d’ATD France était aussi présent.
“Notre société est aujourd’hui fondée sur l’inégalité des intelligences. Alors pour contrer ça, nous, on a l’Université populaire Quart Monde”, a rappelé une militante Quart Monde de Reims, en introduction de cette Université populaire exceptionnelle. Après la présentation de tous les groupes présents, chacun a pris un temps pour restituer son travail de préparation. Les 67 personnes présentes, militantes Quart Monde et alliées, se sont donné comme objectif de faire des propositions permettant d’établir le lien entre deux axes : la lutte contre la grande pauvreté et la lutte contre le changement climatique.
La création de jardins nourriciers, comme c’est le cas à Nancy, ou encore le prêt d’objets et de matériels ont été préconisés. Être aidés pour mieux s’informer, réparer nous-mêmes plutôt que de jeter ou de payer pour faire réparer par une entreprise, avec l’aide de nombreux “tutos”, ces guides d’apprentissage existant notamment sur Internet, toutes ces solutions ont été présentées. Une militante Quart Monde de Nancy avait également apporté des bouteilles et des petites lumières LED pour montrer comment fabriquer des lampes d’intérieur. La créativité des participants fut très impressionnante.
“Faire tomber les clichés”
Puis, quatre thématiques ont été proposées pour un travail en sous-groupes de pairs : le transport, le logement, la consommation et l’aménagement territorial. Les propositions présentées en séance plénière ont été nombreuses, cohérentes et sans doute pas très compliquées à mettre en œuvre. Contrairement à des idées reçues, les personnes pauvres émettent peu de gaz à effet de serre, par nécessité. Parce que le coût de la vie augmente, régulièrement, elles consomment très peu. Et elles sont bien conscientes de ce problème qui concerne toute la société, comme l’affirme cette militante Quart Monde : “Il faut faire tomber les clichés du pauvre qui ne s’intéresse pas au changement climatique. Même si je vis dans la précarité, je me sens de plus en plus impliquée, concernée par ce qui se passe”. Et une autre enchérissant par : “je suis d’accord pour que tout le monde participe. Mais je pense que c’est l’État qui doit y participer d’abord. Quand on voit un ministre qui prend l’avion pour un trajet de 20 minutes, ce n’est pas normal”.
L’invité, Michel Magniez, a dit avoir été très impressionné par la qualité des propositions et leur cohérence. Il a rappelé que “trois forces sont accessibles à tous et toutes et très importantes : le bulletin de vote, les associations et la rencontre avec les élus”.
Il a expliqué la gratuité partielle des transports dans sa ville de Saint-Quentin : c’est “un compromis” pour que les plus pauvres ne payent pas, contrairement à ceux qui en ont les moyens. Une militante Quart Monde a vivement réagi : “on aimerait bien que les maires et toutes les communes arrêtent de mettre les gens dans la précarité dans des cases ! Il faut toujours se justifier”. Plusieurs personnes ont ainsi expliqué combien cela est stigmatisant de devoir toujours justifier de sa pauvreté pour bénéficier de transports gratuits, alors qu’établir la gratuité pour tous n’est pas humiliant pour les plus pauvres et bénéficie à tout le monde. Michel Magniez a ainsi reconnu que certains ne recourraient pas à ce droit, car il y avait un dossier à remplir.
Le repas partagé à midi, par petites tablées, fut un moment particulièrement convivial et bien apprécié des participants, qui se sont mélangés afin d’apprendre à se connaître encore mieux, après avoir déjà, par deux fois en 2022 et 2023, partagé une même Université populaire Quart Monde à Nancy et à Luxembourg. Isabelle Bouyer
Photo : Université populaire Quart Monde Champagne-Ardenne-Lorraine, 13 avril 2024. © Pascale Laurent