La vie d’un demandeur d’emploi n’a rien d’enviable. Et le plus grand nombre souhaite trouver une place dans la société par un travail décent.
Fin décembre 2015 en France, 14 % des bénéficiaires de minima sociaux sont salariés (17 % si l’on intègre les travailleurs indépendants) et en 2016, 29,6 % du revenu disponible des 10 % les plus défavorisés sont des revenus d’activité, salariés ou indépendants(1). Ce sont des « travailleurs pauvres » qui occupent des emplois précaires et leur nombre croît d’année en année.
Les plus pauvres souhaitent retourner vers l’emploi !
En 2019, une première évaluation des Territoires zéro chômeur de longue durée montre que 98 % des personnes privées d’emploi rencontrées sont intéressées par un emploi en CDI au Smic, utile au territoire(3).
La valeur accordée au travail, l’espoir placé en des gains ultérieurs et la volonté d’assurer le meilleur avenir possible à leur famille sont autant de raisons qui conduisent la plupart des personnes privées d’emploi à accepter la reprise d’un travail, même sans gain financier immédiat.
En 2002, une étude expliquait déjà qu’un tiers des bénéficiaires du RMI ont repris un emploi pour un gain inférieur à 76 € par mois(4) : « Ils en retirent pour la plupart un mieux-être, lié à un sentiment d’autonomisation et d’utilité sociale. Pour partie, ils espèrent aussi pouvoir de cette manière accéder à de meilleurs emplois, ce qui reste difficile. Le danger, pour les allocataires du RSA, est donc moins la trappe à chômage que la trappe à pauvreté, parce qu’ils occupent pour la plupart de « mauvais emplois » et restent très souvent confinés dans un secteur secondaire. »
Plus que la volonté des personnes, c’est l’état actuel du marché de l’emploi qui est la cause du chômage.
Certains mettent en avant le nombre de postes vacants, qui a augmenté ces dernières années, pour justifier la stigmatisation des personnes privées d’emploi et le durcissement des règles de l’Assurance chômage. Opposer travail et « allocs », c’est pourtant oublier que le marché de l’emploi est en grand bouleversement, marqué par la pénurie d’emploi et la multiplication du travail précaire. Si la France compte environ 360 000 emplois vacants au deuxième trimestre 2022(5), leur nombre reste cependant très largement inférieur au nombre de demandeurs d’emploi : au même moment, 2 944 700 personnes sont sans emploi (catégorie A) et 2 207 500 exercent une activité réduite (catégories B et C)(6), soit un poste vacant pour 14 demandeurs d’emploi toutes catégories confondues.Non, il ne suffit donc pas de traverser la rue pour trouver un travail.
Dire que les personnes en grande précarité ne veulent pas travailler permet surtout aux responsables politiques et économiques de renforcer le contrôle des personnes sans emploi, de maintenir à un faible niveau le montant des prestations sociales, et leur évite de s’interroger sur de réels moyens à investir dans la création d’emplois.
- Rapport de l’Unedic, avril 2022
- « L’emploi salarié des bénéficiaires de minima sociaux » et « La composition du revenu des ménages modestes », Minima sociaux et prestations sociales, Drees, 2019.
- Livre Zéro chômeur. Dix territoires mobilisés pour l’emploi, de Claire Hédon, Didier Goubert, Daniel Le Guillou, éd. Quart Monde/éd. de l’Atelier, 2019, page 149.
- L’étude de D. Gallie et S. Paugam, Welfare Regimes and the Experience of Unemployment in Europe, Oxford University Press, 2000, va dans le même sens, ainsi que celle de la MRIE « RSA et pauvreté », 2012.
- Dares, enquête ACEMO trimestrielle, Les emplois vacants, septembre 2022.
- https://statistiques.pole-emploi.org/stmt/publication [consulté en octobre 2022].