Ils n’ont pas accès tout de suite à notre système de santé « classique » mais à l’Aide Médicale d’État qui coûte moins que s’ils n’avaient droit à aucune solution.
Les étrangers en situation irrégulière depuis plus de trois mois et dont les ressources ne dépassent pas le plafond de la CMUC ont le droit à un dispositif d’accès aux soins spécifique : l’Aide Médicale d’État. Elle donne droit à la prise en charge de 100% des soins dans la limite des tarifs de base de la Sécurité sociale, ce qui peut laisser un reste à charge conséquent pour le bénéficiaire. Singularité du dispositif, l’AME n’est pas accessible à Mayotte. Les bénéficiaires de l’AME ne peuvent pas accéder à tous les soins et doivent, pour d’autres, respecter des délais de carence, ce qui se traduit in fine par un taux de non recours de plus de 50 %.
L’AME : combien ça coûte ?
Son budget dépend de l’État – pas de la sécurité sociale. L’enveloppe évolue d’année en année – mais plutôt modestement, contrairement à ce que l’on entend parfois.
En 2020, 383 000 personnes ont bénéficié de l’AME pour un coût de 878 millions d’euros(1). Le rapport intermédiaire commandé à Patrick Stefanini et Claude Evin par Matignon, estime quant à lui que le dispositif a bénéficié à 400 000 personnes en 2023 pour un coût légèrement supérieur à 1,1 milliard d’euros(2).
Cette somme n’est pas négligeable. Cependant, rapportée au total des dépenses de l’assurance maladie, l’AME représente moins de 0,5 % des dépenses de santé. Et cette proportion reste quasiment stable d’année en année.
AME : Pas d’appel d’air migratoire mais un gain pour les finances publiques
Aucune donnée ne montre le moindre lien entre l’Aide médicale d’Etat et les migrations : en clair, personne ne risque sa vie pour venir « profiter » de l’AME en France, contrairement aux fantasmes de certains !
Par ailleurs, si le principe de l’AME est d’abord humanitaire et relève du respect des droits humains, elle est aussi un impératif de santé publique, puisqu’elle permet de protéger l’ensemble de la population contre des maladies infectieuses particulièrement dangereuses. La supprimer, comme le demandent certains responsables politiques serait contre-productif : en plus d’accroître les risques sanitaires pour l’ensemble de la société, sa suppression serait plus coûteuse pour les dépenses publiques.
En effet, un rapport de l’IGAS(3) précisait déjà en 2010 que restreindre l’accès à l’AME provoquerait encore plus de renoncements aux soins, dont « le premier effet pourrait être celui de l’accroissement des dépenses allant bien au-delà de l’économie escomptée, pouvant conduire à retarder une prise en charge médicale et à un recours tardif à l’hôpital, nettement plus coûteux. Le deuxième effet pourrait être celui de risques sanitaires sérieux du fait des retards induits sur le recours aux soins par la population concernée ».
Les économistes Abhijit Banerjee et Esther Duflo rappellent quant à eux que soigner les plus pauvres est moins coûteux pour la société que de ne pas le faire, car une personne en bonne santé est une personne en capacité de travailler et d’accroître la richesse de la collectivité(4).
- Commission des finances du Sénat d’après les documents budgétaires.
- Voir : https://www.lesechos.fr/politique-societe/gouvernement/immigration-les-soutiens-en-faveur-de-laide-medicale-detat-se-multiplient-2026693
- A. Cordier, F. Salas, « Analyse de l’évolution des dépenses au titre de l’aide médicale d’État », Rapport de l’Igas, 2010.
- Abhijit V. Banerjee, Esther Duflo, Repenser la pauvreté, 2012.