Au contraire : des minimas sociaux décents permettent et encouragent la recherche d’un mieux-être et d’un emploi.
On lit ou on entend souvent que, pour encourager à travailler, il faudrait maintenir le RSA à un niveau bas, ou qu’il faudrait garder un écart important entre le RSA et le Smic. Ainsi, on peut lire dans un document officiel récent : « Les montants maximaux des prestations sont les plus faibles pour les minima sociaux s’adressant à des personnes en âge et en capacité supposée de travailler [comme le RSA]. Leurs barèmes visent à encourager les allocataires à retrouver une autonomie financière par le biais de l’emploi1. » Ce raisonnement qu’aucune étude ne justifie fait fi des études qui montrent au contraire que la motivation financière n’est pas le principal déterminant de la reprise d’emploi. Et est-ce avec des minimas sociaux qui permettent à peine de survivre (idée fausse 23) que l’on peut construire un projet de vie et un projet professionnel ? Ce type de raisonnement contribue surtout à diffuser l’idée que les personnes sans emploi ne sont pas assez motivées pour en trouver un.
Or, deux Français sur trois se prononcent en 2018 en faveur de l’augmentation du revenu de solidarité active (RSA), contre un peu moins d’un sur deux en 20142. Une majorité semble avoir conscience du montant très faible du RSA (493 € mensuels pour une personne seule en 2019) et de sa faible progression par rapport aux prix à la consommation et aux dépenses contraintes. Le montant des minima sociaux est en effet indexé non sur les salaires, mais sur les prix – et des prix qui ne correspondent pas aux dépenses réelles des ménages aux plus bas revenus (idée fausse 23). Ainsi, en 1990, le RMI représentait 35 % du revenu médian (52 % avec les allocations logement). En 2019, le RSA est à 26,5 % du revenu médian (43 % avec les allocations logement). Il faudrait que tous les minima sociaux soient indexés sur le Smic (voir aussi l’idée fausse “on ne peut pas augmenter le SMIC”).
La tranche d’âge 18-29 ans est, avec celle des moins de 18 ans, la plus touchée par la pauvreté, et l’on entend aussi souvent dire qu’un « RSA jeune » découragerait les jeunes de rechercher un emploi. À cela, le chercheur Olivier Bargain répond : « Si elle existe, cette désincitation devrait se traduire par un fléchissement du taux d’emploi des jeunes juste après 25 ans [âge à partir duquel on peut percevoir le RSA plus systématiquement], puisque le gain à l’emploi de certains jeunes serait plus faible à partir de cet âge. Or, aucune rupture dans les taux d’emploi à 25 ans n’est repérable pour les jeunes célibataires sans enfant ayant au moins un CAP ou un BEP. Le RMI et le RSA n’auraient donc pas d’effet désincitatif marqué sur l’emploi de ces jeunes3. »
Ce n’est pas le montant des minimas sociaux qui décourage les gens de travailler. C’est encore une fois le manque d’emplois décents accessibles à tous. Si l’on établit le montant des minimas sociaux à un niveau plus digne et si l’on prend en même temps les moyens de créer suffisamment d’emplois décents, on verra que le plus grand nombre des personnes privées d’emploi choisiront l’emploi.
[Article mis à jour en décembre 2019]
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1 « Les montants des minima sociaux », Minima sociaux et prestations sociales, Drees, 2019.
2 « L’opinion des Français sur la pauvreté et l’exclusion », Minima sociaux et prestations sociales, Drees, 2019.
3 Dans Insee Analyses, no 6, 2012. Lire aussi O. Bargain et A. Vicard, « Le RMI et son successeur le RSA découragent-ils certains jeunes de travailler ? Une analyse sur les jeunes autour de 25 ans », Insee, Économie et Statistique, no 467-468, 2014.