Volontaire permanente depuis deux ans, Aria Ribieras est représentante d’ATD Quart Monde à l’ONU, à New York.
Un atelier de peinture dans le petit immeuble en briques rouges de la Maison Quart Monde, en plein cœur de Manhattan, puis une réunion, 3 km plus loin, dans la tour de 39 étages de l’Organisation des Nations Unies, aux larges façades vitrées, et enfin les retrouvailles avec les enfants du “Jardin d’histoires”, la Bibliothèque de rue de Brownsville, l’un des quartiers les plus pauvres de la ville. Depuis qu’elle a posé ses valises à New York, début 2022, Aria Ribieras a des journées bien remplies. Mais cette diversité d’action a tout pour lui plaire. “C’est ce que je recherche, parce que je ne tiens pas trop en place”, explique-t-elle avec un large sourire.
À 27 ans, son parcours prouve en effet son envie insatiable de connaître le monde. La jeune femme a grandi à la campagne, près d’Orléans, puis a étudié les sciences politiques et les relations internationales, à Strasbourg. Ses stages et ses premiers emplois l’amènent à travailler pour différentes Organisations non gouvernementales, notamment au Myanmar, puis pour le ministère des Affaires étrangères au Mexique et en Bulgarie. C’est dans ce pays qu’elle entend parler d’ATD Quart Monde. “Deux volontaires permanents construisaient des liens avec les communautés les plus pauvres des quartiers roms, à Sofia et Plovdiv. J’ai été impressionnée par leur travail. Ils avaient réussi à faire participer à un séminaire sur l’éducation inclusive des personnes vivant dans des conditions de vie extrêmement difficiles. C’était la première fois que je voyais cela.” Ce qui intrigue vraiment Aria, c’est la capacité des volontaires à “travailler à la fois à l’échelle locale, avec les personnes les plus exclues du quartier, et aux niveaux national et international, avec les ambassades étrangères et les ministères”.
Un présupposé de confiance
Son contrat en Bulgarie se termine en février 2020. Aria s’imagine déjà partir dans un nouveau pays, pourquoi pas Madagascar. La pandémie de Covid-19 stoppe son élan, mais pas son envie d’être utile. “J’ai vu qu’ATD Quart Monde avait pas mal d’actions en France. Je pensais faire un peu de bénévolat, mais c’est allé un peu plus loin…”, dit-elle en riant. Quatre mois après un week-end de découverte du volontariat en visioconférence, elle s’engage et commence sa mission à la Dynamique enfance, à Montreuil. “Je n’avais pas forcément bien compris ce qu’était le volontariat, mais j’avais rencontré des personnes aux parcours très variés, qui s’interrogeaient sur la société dans laquelle elles voulaient vivre. Ce questionnement m’a beaucoup plu, alors je me suis dit que j’allais essayer.”
Elle est immédiatement surprise par “le présupposé de confiance” qu’on lui accorde. “Cette confiance est libératrice. ATD Quart Monde remet au centre du travail le lien humain, l’attention aux autres, que ce soit avec les personnes en situation de pauvreté ou avec les coéquipiers, des notions peu présentes dans le monde du travail classique”, détaille-t-elle avec enthousiasme. Elle sillonne notamment la France, à la rencontre des personnes qui s’engagent auprès des enfants les plus exclus. Les “histoires extrêmement fortes” qu’elle entend lui donne envie de lancer un Mooc, une formation en ligne, sur les Bibliothèques de rue. “Je voulais montrer comment toutes ces initiatives locales formaient un grand réseau d’engagements pour la justice sociale au niveau national. On a parfois l’impression d’être une goutte d’eau dans un océan de misère. En fait non, quand on regarde bien, nous constituons tous ensemble un filet de solidarité”, explique-t-elle.
Un événement unique
Après deux ans de pandémie, un nouveau départ à l’étranger est enfin possible et Aria devient représentante d’ATD Quart Monde aux Nations Unies, à New York. Elle participe aux différents travaux de l’ONU, notamment au sein de la commission pour le développement social et s’assure que la parole des plus pauvres soit effective dans cette instance internationale réunissant 193 États membres. Elle organise ainsi régulièrement la venue de militants Quart Monde du monde entier, comme pour le Forum politique qui aura lieu cet été. “C’est une grande responsabilité de faire le lien entre ce très haut niveau de politique et la réalité quotidienne des personnes en situation de pauvreté”, estime-t-elle. Aria organise également la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, le 17 octobre, reconnue par l’ONU il y a 30 ans. “Ici, cet événement est unique, car ce sont avant tout les propos des militants Quart Monde qui sont mis en avant et non les longs discours habituels des ambassadeurs.”
Alors qu’elle voit beaucoup d’amis autour d’elle chercher du sens dans leur vie professionnelle, elle estime qu’ATD Quart Monde “offre une réponse : c’est un mode de vie qui permet de s’engager en respectant ses valeurs et idéaux, d’être au plus près des personnes et de voir, presque au quotidien, les impacts des actions que l’on mène. Le Mouvement peut proposer des solutions à cette sobriété recherchée par de nombreux jeunes”, estime-t-elle. Son engagement au sein du réseau Wresinski Écologie et Grande pauvreté , qu’elle suit désormais de loin, lui a aussi permis “de voir cette interconnexion de la violence perpétrée sur la planète et sur les personnes”. Dans ce contexte, vivre à New York n’est pas toujours simple, car elle n’a “pas envie de ce mode de vie destructeur pour les êtres humains et la planète” et ressent le besoin d’être “davantage connectée à la nature”. Mais la diversité de sa mission et les valeurs qu’elle défend chaque jour lui permettent, pour l’instant, de trouver son équilibre.
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de juillet-août 2022.
Photo : © Aria Ribieras