Fiche mise à jour en juin 2019
Le droit à un procès équitable est prévu par l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme, selon lequel :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation et matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut-être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »
L’article 6-2 impose la présomption d’innocence de l’accusé jusqu’à que sa culpabilité soit prouvée de manière licite : « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ».
Le droit à un procès équitable comprend plusieurs aspects :
- le principe du contradictoire
- le principe de l’égalité des armes
- le principe du délai raisonnable
- le principe de la motivation des décisions de justice : le fait que les décisions de justice soient rendues publiquement
Ces principes sont inscrits dans l’article 6-3 de la CEDH : « Tout accusé a droit notamment à :
- être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
- disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
- se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
- interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
- se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience»
Le principe du contradictoire
Ce principe implique que chaque partie ait connaissance de tous les éléments que l’autre partie va invoquer devant le juge pour soutenir la demande. En s’appuyant sur ce principe du contradictoire, la Cour européenne des droits de l’homme impose que l’ensemble du dossier et des rapports des services sociaux soit communiqués aux parents qui sont menacés d’une décision de placement ou d’intervention éducative. Cela permet aux parents de savoir et de contester ce qu’on leur reproche et en cela donc préparer une meilleure défense. Selon la CEDH, si ces rapports ne sont pas communiqués aux parents, il y a alors violation du droit à un procès équitable.
Arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme du 24 février 1995
La non communication des rapports des services sociaux aux parents dont l’enfant a été placé constitue une violation du droit au respect de la vie privée et familiale et du droit au procès équitable
Faits et procédure au Royaume Uni
Mme Mc MICHAEL souffre de troubles psychiques graves et a été hospitalisée plusieurs fois avant la naissance de son enfant. A la naissance de son fils, les services sociaux ont estimé que la maman était trop fragile psychologiquement pour s’occuper convenablement de lui. Mme Mc MICHAËL a d’abord été contrainte de rester hospitalisée avec son fils puis l’enfant lui a été retiré à l’âge de 26 jours et confié à une famille d’accueil. Le père de l’enfant présentait aussi des problèmes psychiques et n’a reconnu l’enfant que plus tard.
Le père et la mère de l’enfant se sont battus, sur le plan juridique pour que la garde de l’enfant leur soit transférée, et que leurs droits de visites soient plus réguliers, mais sans résultats.
Le 11 octobre 1989, le couple a saisi la Cour Européenne des Droits de l’Homme . Ils ont fait valoir qu’ils n’avaient pas eu accès aux rapports et autres pièces du dossier produites par les services sociaux avant les différentes audiences et que cela a violé leur droit d’être entendu équitablement prévu à l’a. 6-1 de la CEDH ainsi que leur droit à une vie familiale prévue à l’a. 8 de la CEDH.
Décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme
Sur l’article. 6-1 de la CEDH : le droit à un procès équitable
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
Le droit à un procès équitable implique pour une partie la possibilité de prendre connaissance des observations ou des pièces produites par l’autre partie ainsi que les moyens de les discuter.
Dans le cas de M. et Mme MICHAËL, les autorités ont présenté des pièces qui à différentes étapes de la procédure ne leur ont pas été communiqués. Cela a constitué une inégalité et un net désavantage pour M. et Mme MICHAËL . Ils n’ont pu sans avoir accès à ces documents, construire leur défense et contester les éléments qu’on leur reprochait.
La Cour a déclaré qu’il y avait eu violation du principe du contradictoire et donc de l’a. 6-1 de la CEDH
Sur l’article.8 de la CEDH : le droit au respect de sa vie familiale
« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. »
La Cour a rappelé que pour un parent et son enfant, être ensemble représente un élément fondamental de la vie familiale.
La Cour a donc a précisé que la non communication des rapports au couple en les empêchant d’avoir tous les éléments pour bien se défendre alors que cela portait sur un élément fondamental de la vie familiale avait violé l’a. 8 de la CEDH.
En effet, selon la Cour Européenne des droits de l’Homme, si les parents avaient eu la possibilité de préparer correctement leur défense en présentant des arguments contraires à ceux des services sociaux, les mesures prises par les autorités auraient peut-être été moins sévères.
M et Mme MICHAËL n’ont jamais pu revivre avec leur enfant qui a été donné en adoption par les autorités britanniques. Mais grâce à cet arrêt, nous avons pu gagner en France en 2002 le droit de lire, au greffe du tribunal, les rapports et pièces produites par les services sociaux.
Le principe d’égalité des armes
Ce principe impose l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité de présenter sa cause dans des conditions qui ne la place pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (CEDH, arrêt Dombo Beheer du 27 octobre 1993). Chacune des parties peut donc se faire représenter par un avocat, afin que l’une et l’autre ait la même qualité de défense. Lorsque l’une ou l’autre des parties a des ressources insuffisante, l’État doit alors fournir à celle-ci une aide juridictionnelle qui lui permettra de payer un avocat (CEDH, arrêt Airey du 9 octobre 1979)
Le principe du délai raisonnable
Ce principe posé par l’article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, implique que chaque affaire soit jugée dans les plus brefs délais. Ces délais varient selon les affaires. C’est la Cour elle-même qui décidera si l’affaire a bien été traitée dans un délai raisonnable.
Le principe de la motivation des décisions de justice
La CEDH met au centre du droit à un procès équitable la motivation de la décision de justice (CEDH, arrêt Moore, 23 juin 1994).
Les juges ont l’obligation de motiver leur décision, c’est-à-dire d’expliquer les raisons de fait et de droit qui les ont conduits à rendre cette décision.
En cas de désaccord avec les motifs de la décision, le justiciable peut alors s’appuyer dessus pour la contester et exercer un recours.
Le principe de la publicité des décisions de justice
Cela signifie que les débats aient lieu publiquement et que la décision de justice soit rendue en présence du public.
Ainsi, les portes des salles d’audience doivent en principe rester ouvertes et accessibles à tout le monde. Au cas où le public n’a pas le droit de rentrer dans la salle, le procès sera annulé (sous réserve de la sécurité et du bon déroulement des débats). Cependant, la loi prévoit que dans certains cas, ou pour certaines affaires, le public ne peut pas assister aux débats devant le juge. L’audience se tient alors à huis-clos, toute porte fermée.
Cela a pour but de protéger les personnes (par exemple les mineurs), leur vie privée (par exemple dans les affaires de divorce), ou pour éviter des troubles à l’ordre public, ou encore protéger des secrets d’État.