Huit membres d’ATD Quart Monde ont réfléchi à une évolution de la loi sur l’accompagnement des personnes en fin de vie. Leur participation à la Convention citoyenne permet de questionner les conditions à mettre en œuvre pour que les plus défavorisés fassent entendre leurs voix dans le débat public.
De décembre 2022 à mars 2023, Françoise Hamel, militante Quart Monde de Bordeaux, a pris des milliers de notes. Comme les 183 autres citoyens de la Convention citoyenne sur la fin de vie, elle a passé neuf week-ends au Conseil économique, social et environnemental, à Paris, à réfléchir à la prise en charge de la souffrance, aux soins palliatifs et à une éventuelle aide active à mourir. Dans son cahier bien rempli, il reste encore quelques interrogations sans réponse. “J’ai beaucoup appris. Mais, parfois, on m’a demandé de voter alors que je ne comprenais pas la question. Ce n’est pas normal, ils auraient dû mieux expliquer”, regrette-t-elle.
“Faire avancer la condition humaine”
Le Conseil économique, social et environnemental lui a proposé de participer à la convention citoyenne en novembre dernier, une semaine seulement avant le début de cette concertation souhaitée par le président de la République. Le principe était de réunir des citoyens tirés au sort à partir des listes d’abonnés téléphoniques, avec des critères de sélection pour représenter la diversité française. “Mais on s’est rendu compte que le tirage au sort ne fonctionnait pas pour toucher des personnes en situation de grande précarité et qu’il fallait donc passer par d’autres canaux”, explique Claire Thoury, présidente du comité de gouvernance de la Convention citoyenne. Elle a donc fait appel à ATD Quart Monde pour contacter des personnes qui pourraient être intéressées. Huit femmes, militantes Quart Monde ou proches du Mouvement, ont accepté de participer à la réflexion, en tant que citoyennes et non au nom d’ATD Quart Monde.
“J’étais partante tout de suite, pour rappeler que ce n’est pas parce qu’on n’a pas de sous qu’on doit mourir comme des chiens”, souligne Fatiha Ziane, venue de Dunkerque. “J’y suis allée pour faire avancer la condition humaine et en particulier la dignité des plus pauvres. Quand on parle de la fin de vie à domicile, c’est sécurisant quand on a quatre murs autour de soi. Mais que faire pour les personnes vivant à la rue, dans des caravanes, des logements insalubres… ? “, ajoute Fabienne Donaint, militante Quart Monde d’Arras.
“Organisation un peu brouillonne”
Toutes jugent que cette expérience a été passionnante, mais notent que des progrès restent à accomplir pour atteindre une réelle participation de celles et ceux qui sont les plus exclus. “Quand on est à ATD Quart Monde, on se sent en sécurité, on apprend à écouter, à ne pas se rentrer dedans. Quand on est dans un groupe de 180 personnes, il n’y a pas forcément la même écoute”, constate Fabienne Donaint. “C’était toujours les mêmes qui parlaient dans l’hémicycle. L’organisation était un peu brouillonne au début. Ils n’ont pas encore trop l’habitude d’organiser ce type d’événement”, ajoute Pascale Djaoudi, venue de Perpignan.
Des questions pratiques ont également posé problèmes au début. “Nous avons vu que ce n’était pas toujours possible pour tous d’avancer le prix d’un repas ou d’un taxi, même si on le remboursait rapidement. Nous nous sommes ajustés au fil de l’eau en faisant en sorte que tout le monde trouve sa place dans cette convention et que cela ne soit pas un exercice de privilégiés”, affirme Claire Thoury. Les travaux de la Convention citoyenne ont désormais été remis au gouvernement et devraient aboutir à une modification de la loi. “J’espère qu’on n’a pas fait tout ça pour rien”, conclut Fatiha Ziane.
Photo : © Katrin Baumann