Les visages d'Atd Quart Monde :Nathalie : “Le volontariat, c’est accepter de se laisser dérouter par les plus pauvres”

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Les visages d’ATD Quart monde

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Baroudeuse, autrice, volontaire permanente, aide à domicile… Nathalie Bénézet se laisse porter par ses envies, sans cesser de questionner le monde autour d’elle.

1987, installée dans un squat de Montpellier, une jeune femme lit en une nuit Les pauvres sont l’église, de Joseph Wresinski, le fondateur d’ATD Quart Monde. Elle est “foudroyée” par ces mots. Trente-six ans plus tard, Nathalie Bénézet se souvient encore parfaitement de l’émotion qu’elle avait alors ressentie. “Je n’ai rien à voir avec l’église, mais les mots de ce curé pour parler des très pauvres étaient d’une justesse explosive. Jamais quelqu’un n’avait parlé de cette façon des gens que je considérais comme les miens”, se remémore-t-elle. C’est sa mère qui lui a conseillé cette lecture, intriguée par ce Mouvement qui “parle des pauvres d’une manière assez unique”.

Née dans une famille “qui a toujours côtoyé la misère”, Nathalie est alors en vadrouille et ne sait jamais ce qu’elle fera le lendemain. L’idée, avancée dans ce livre, de créer le volontariat lui paraît “sacrément gonflée”. “Enfin quelqu’un disait que ce dont avaient besoin les gens ce n’était pas de la soupe ou des vêtements usés, mais que des personnes pouvaient venir faire leur vie avec nous et que ça valait le coup.” Pour elle, c’est “une manière de prendre très au sérieux les pauvres en acceptant de se laisser profondément bousculer, sans savoir d’avance ce qu’on gagnera, sans penser que le volontaire est un sauveur, ni que sa vie va faire la différence après des siècles d’oppression. Les pauvres ne sont pas cons, s’il y avait une solution miracle ils l’auraient trouvée depuis longtemps”, explique-t-elle avec son langage fleuri. Elle est bouleversée par cette idée d’un “groupe de personnes qui se laissent durablement et collectivement influencer par les plus pauvres, au point que ça impacte en profondeur à la fois leur trajectoire de vie et les constructions collectives”.

Un engagement intime

Nathalie a peur d’être déçue, de découvrir qu’il ne s’agit “que de mots dans un bouquin”. Elle prend contact, avec méfiance, avec ATD Quart Monde en Suisse et teste les volontaires, pour être certaine de leurs intentions. Puis sa décision est prise : elle veut rejoindre ce volontariat. Mais avant cela, elle souhaite mettre un peu d’ordre dans sa vie, pour que cet engagement soit “un acte clair, libre”. Elle trouve donc pour la première fois de sa vie “un bon boulot” dans la restauration, à Montpellier, puis un appartement, et elle “bazarde” tout au bout d’un an pour s’engager. Pendant cette année, elle se met aussi à questionner le monde autour d’elle : “j’ai senti à ce moment-là ce que pouvait signifier l’alliance dans le Mouvement : c’est par exemple pousser son patron à réfléchir sur la manière dont il traite l’apprenti ; c’est pousser son milieu professionnel à tenir compte des plus pauvres ; c’est intervenir quand on est témoin d’une remarque méprisante à la caisse d’un magasin, à un guichet ou n’importe où ailleurs… On peut se taire, mais on peut aussi intervenir, sans être dans le conflit”.

Elle trouve dans le Mouvement la possibilité de ne pas “tourner le dos” au milieu dont elle est issue. “Ma question n’était pas de rejoindre les pauvres, ils faisaient déjà partie de ma vie, mais comment ne pas les trahir ?” Elle choisit donc le volontariat, “ce projet collectif dans lequel on accepte de se laisser dérouter, engueuler, aimer, bousculer, influencer par les plus pauvres”.

Un pas de côté

Volontaire de 1989 à 2007, elle vit au Burkina Faso, à Taïwan, aux Philippines, en Bretagne et au centre international d’ATD Quart Monde à Méry-sur-Oise.

En 2007, elle ressent le besoin de “faire un pas de côté” et de “restituer, par le biais de l’art, un peu de la profondeur et de la poésie” des personnes en situation de pauvreté qu’elle a côtoyées. Elle se tourne alors vers l’écriture, tout en travaillant comme aide à domicile et en s’investissant dans un syndicat. Nathalie Bénézet publie ainsi deux romans, Les moissons de l’absence et Mon pays c’est le chemin, aux éditions Chèvre-feuille étoilée. Le premier s’inspire de l’histoire de son père, “mort dans des conditions d’homme pauvre dans un foyer de travailleurs immigrés”. Elle a appris son décès quelques semaines après, grâce à un agent des pompes funèbres consciencieux qui n’a pas voulu l’enterrer sans avoir recherché sa famille. Le second raconte le parcours d’une femme ayant dû quitter son pays. “Je n’en pouvais plus que ma chère Méditerranée soit devenue un tombeau et je ne savais pas comment être proche de tous ces gens qui marchent sur la planète, qui sont obligés de migrer”, explique-t-elle.

Au bout de onze années, elle choisit de revenir dans le volontariat et, en 2023, elle prend la responsabilité du Centre de mémoire et de recherche Joseph Wresinski, avec Honorine Kouamé et Sophie Razanakoto. “Ce lieu a beaucoup d’importance pour moi. J’ai depuis longtemps conscience de la nécessité de protéger notre histoire parce qu’elle peut servir à d’autres dans l’avenir.” Elle rappelle que les archives d’ATD Quart Monde viennent d’être inscrites par l’Unesco au “Registre Mémoire du monde”, comme patrimoine documentaire de l’humanité et lance un appel à l’engagement : “C’est une reconnaissance extraordinaire et une responsabilité. Pour mener à bien notre mission, nous avons besoin de soutiens financiers et humains. Toutes les bonnes volontés seront les bienvenues”.

Ce portrait est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de novembre 2023.

Photo : Nathalie Bénézet lors de la cérémonie pour l’inscription des archives d’ATD Quart Monde au registre Mémoire du monde de l’Unesco, en septembre 2023. © ATD Quart Monde

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