L’assemblée générale d’ATD Quart Monde a réuni plus de 200 participants dans les locaux de la Ligue de l’enseignement, à Paris, mais aussi en ligne, samedi 25 mai 2024. La présidente du Mouvement, Marie-Aleth Grard, et les membres de la délégation nationale ont présenté le bilan de l’année 2023 et les perspectives pour les prochaines années.
“Plus que jamais nous avons besoin de chacune et chacun d’entre vous, nous avons besoin d’être unis dans notre Mouvement et avec nos partenaires pour lutter contre la pauvreté et la grande pauvreté qui augmentent dans notre pays. Nous devons montrer qu’une société qui n’oublie personne est possible, une société où chacune et chacun a pu choisir sa place et exerce sa dignité à égalité avec les autres“, a affirmé la présidente d’ATD Quart Monde, Marie-Aleth Grard, en introduction de l’assemblée générale du Mouvement, le 25 mai. “Nous sentons tous des tensions dans notre société ; les uns montrent du doigt les plus pauvres, ils sont humiliés, rejetés, méprisés par des propos venant de trop de responsables politiques dans notre pays, des textes de lois vont même jusqu’à criminaliser les plus pauvres. Et si les uns discriminent sans cesse les plus pauvres, d’autres encore appuient toujours plus fort pour monter les gens contre les autres“, a-t-elle ajouté.
Après une assemblée générale extraordinaire, visant à présenter et faire voter la fusion par voie d’absorption d’ATD Quart Monde Île-de-la Réunion dans ATD Quart Monde France, ainsi qu’une modification des statuts visant à pouvoir faire l’assemblée générale en présentiel et à distance, les membres de la délégation nationale ont dressé le bilan de l’année 2023.
“Porter une parole collective”
“Si je devais qualifier l’année 2023 en quelques mots, je reprendrais les mots d’un jeune qui a participé à la campagne européenne des jeunes et qui nous dit : ‘Cela demande beaucoup de concentration. Mais ça m’a fait du bien aussi de pouvoir parler de mes problèmes et de porter la parole d’autres jeunes qui n’ont pas eu l’occasion de venir‘”, a affirmé Geoffrey Renimel. Ces mots reflètent ce qui s’est vécu dans le Mouvement l’an dernier. “D’abord, l’engagement est un effort. Se retrouver ensemble, travailler des sujets difficiles est un effort. Ensuite, ne pas se sentir seul face à ses difficultés fait du bien. Cela semble évident mais c’est toujours essentiel de le rappeler. Enfin, porter une parole collective rend fier. On se sent responsable de ce qui nous a été confié“, a-t-il détaillé.
Depuis le début du mandat des membres de la délégation nationale, le 15 novembre 2022, ATD Quart Monde s’est donné quatre grandes priorités jusqu’en 2026 : combattre la maltraitance institutionnelle, se mettre ensemble face aux défis climatiques et environnementaux, redéfinir et soutenir notre démarche de connaissance, se former pour s’engager et agir ensemble. La première priorité s’est notamment illustrée en 2023 “à travers des travaux menés pendant deux ans par des membres du Mouvement sur le thème Bâtir un avenir sans pauvreté pour les enfants : parents et société ensemble“, a rappelé Benoît Reboul-Salze. Un travail sur l’amélioration des relations entre les Caisses d’allocations familiales et les personnes en situation de pauvreté, a également entraîné la publication d’un rapport présentant 12 propositions.
Une démarche de connaissance
Afin de “se mettre ensemble face aux défis climatiques et environnementaux“, une démarche collective a été menée pour bâtir “un plaidoyer unique“, a-t-il souligné. Des savoirs et des enseignements ont ainsi pu être tirés à partir des différents projets menés partout en France, comme les jardins partagés à Nogent-le-Rotrou ou Dijon, des sorties natures à Lille, ou encore le projet pilote Aujourd’hui Tissons Demain, à Alès, pour aller vers un habitat durable et solidaire et le lancement d’une dynamique écologie. Des membres du Mouvement à La Réunion ont également présenté en vidéo leur projet de création d’un “jardin d’avenir“, avec les enfants de la Bibliothèque de rue et leurs parents.
Anne-Marie De Pasquale a ensuite détaillé les actions menées dans le cadre de la troisième priorité : “redéfinir et soutenir notre démarche de connaissance“. En 2023, de nombreux projets ont par exemple été menés autour de la question du droit aux vacances et dans la maison de vacances familiales de La Bise, dans le Jura. La thématique de l’emploi décent a également été mise à l’honneur lors de la Journée mondiale du refus de la misère et à l’occasion d’une présentation devant l’ONU à New York, de l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée, qui compte aujourd’hui 68 territoires habilités. La démarche de connaissance a en outre été approfondie pour la campagne européenne des jeunes, qui a duré 18 mois, et a notamment été récompensée dernièrement par le Prix Charlemagne au Parlement européen.
Enfin, 18 membres de l’Université populaire Île-de-France sont montés sur la scène pour illustrer la priorité “se former pour s’engager et agir ensemble“.
Combattre la maltraitance institutionnelle
Les trois membres de la délégation nationale ont ensuite présenté les perspectives pour les prochains mois. L’année 2024 doit ainsi être marquée par le lancement en septembre d’une “campagne de mobilisation grand public pour combattre la maltraitance institutionnelle“, ont-ils souligné. Cette campagne a plusieurs objectifs : “sensibiliser le grand public sur les réalités de la maltraitance institutionnelle et ses impacts sur les plus pauvres, aboutir à des changements concrets, renforcer le Mouvement en accueillant de nouveaux membres et de nouveaux donateurs“. Un rapport, à destination des institutions et des médias, sera ainsi présenté le 19 septembre et la Journée mondiale du refus de la misère aura pour thème la maltraitance institutionnelle et sociale. Pour permettre à cette campagne de mobiliser largement, un financement participatif a été lancé. “Il va falloir rythmer cette campagne sur l’année 2024-2025 à travers des événements locaux et nationaux en s’appuyant par exemple sur la sortie, en janvier, du livre les idées fausses sur la pauvreté spécifiques sur la maltraitance institutionnelle“, ont expliqué les membres de l’équipe de mobilisation.
Dans le cadre de la priorité 2 autour des défis climatiques et environnementaux, “un projet d’écriture de nouvelles“, a été lancé, a rappelé Anne-Marie De Pasquale. Il s’agit d’un “appel à imaginer un futur, avec de nouveaux liens à la nature, au vivant, aux humains. Où les savoirs et les expériences des plus pauvres auront une place centrale” et un jury de professionnels et de membres d’ATD Quart Monde devra choisir les 15 textes qui seront publiés, dans une co-édition avec le Livre de Poche.
Pour “redéfinir et soutenir notre démarche de connaissance“, des espaces sont créés localement “pour se questionner ensemble, comprendre, analyser, rechercher la participation et surtout la contribution des personnes qui ont la vie la plus dure à cause de la grande pauvreté, de l’exclusion“, a précise Benoît Reboul-Salze. Afin de “se former pour s’engager ensemble“, plusieurs formations régionales sont organisées en 2024, “sur nos engagements en tant qu’alliés, militants, volontaires, sur des méthodes d’animation d’éducation populaire, sur l’accueil de nouveaux membres… On sent un vrai dynamisme des correspondants formation en région“, a constaté Geoffrey Renimel.
Trois nouveaux membres au conseil d’administration
Le conseil d’administration a ensuite été renouvelé avec les départs de Micheline Adobati et Saandia Soufiane et l’arrivée de Cécile Lavergne chercheuse et maîtresse de conférences en philosophie sociale et politique, de Pénélope Dupont, volontaire permanente depuis septembre 2020, actuellement dans l’équipe de Paris pour y développer la dynamique jeunesse locale, et de Thierry Lebreton, militant Quart Monde de Boulogne-sur-mer.
Le rapport moral et les comptes d’ATD Quart Monde, touchés notamment par l’inflation, l’augmentation du coût de l’électricité et la baisse des subventions, ont ensuite été présentés et adoptés. “La vigilance est de mise, et je veux attirer votre attention sur deux points : chacune et chacun d’entre nous peut aller chercher des dons pour notre Mouvement. Nous devons élargir le fichier de nos amis qui nous soutiennent régulièrement, c’est très important pour garder notre liberté d’entreprendre“, a affirmé Marie-Aleth Grard, invitant tous les membres à “déployer des trésors d’imagination pour aller chercher toutes les subventions et soutiens financiers accessibles“.
Alors que le Mouvement compte aujourd’hui “près de 10 000 adhérents“, elle a par ailleurs demandé à “chacune et chacun d’oser proposer d’adhérer à ATD Quart Monde. C’est pour nous tous qui sommes engagés un encouragement à poursuivre notre combat pour l’égale dignité de tous, et une reconnaissance importante pour notre Mouvement“. Et de conclure : “nous avons fait un pari, 12 000 adhérents cette année et nous voulons le gagner ou le dépasser ! Nous comptons sur vous !“.
Retrouvez le rapport moral 2023.
Photo : © Camille Ménard