À Dijon, les membres d’ATD Quart Monde se retrouvent autour d’un jardin partagé. Jean-Christophe Pisson, allié du Mouvement, décrit ce lieu dans lequel ils cultivent “notre humanité”.
Nous cultivons en premier l’humanité de chaque personne dans notre groupe local, depuis six ans. Ce que nous apprenons est essentiellement que nous ne savons pas qui est la personne en face de nous. Fondamentalement, c’est cela notre point de départ : comme des continents qui ne se rencontrent pas ! Avec lucidité, un allié comprend si peu de la vie de celui ou celle qui a l’expérience d’une vie difficile, du placement, d’avoir été à la rue pour un temps. Inversement, comment parler des fonctionnements d’un milieu professionnel avec ses codes, ses exigences à des personnes qui sont tellement prises par les soucis… Pourtant, ensemble, nous tenons ! Voilà notre première zone à cultiver.
Construire ensemble
Nous cultivons la volonté de faire dialoguer des personnes. Cultiver notre humanité demande de regarder nos racines, nos façons de penser si divergentes et de nourrir un dialogue avec une attention à l’autre de tous les instants, pour que tous aient une place reconnue, utile. Cultiver notre humanité est premier : c’est le chemin étroit indispensable pour commencer à construire ensemble les sensibilités, les histoires de vie et d’engagements des uns et des autres. Nous ôtons les plantes indésirables de la jalousie, les comparaisons stériles… Ici, amender le sol avec notre patience est essentiel !
Vous allez me dire : et le jardin ? Eh bien nous savons entre nous que prendre soin de la Terre et des Humains, cela va de pair. Nous cherchons à créer les conditions pour que chacun soit acteur de sa vie et de sa participation au groupe. Avant de faire pousser des légumes, nous prenons soin des êtres humains et de la qualité des liens qui nous arriment les uns aux autres. Chaque semaine, deux membres de notre groupe appellent les uns et les autres. Si l’un s’éloigne un peu, nous cherchons comment le rejoindre, lui dire combien nous avons besoin de lui ou d’elle. Le lien partagé est premier, le jardin partagé est second.
Nous prenons soin chaque semaine, modestement, des parcelles partagées, avec le savoir-faire en permaculture des animateurs maraîchers de la micro-ferme urbaine. Nous prenons soin de la Terre, qui nous rend une production modeste. Chacune et chacun a la fierté d’avoir agi pour enfin s’alimenter avec des légumes de qualité bio. Ici, le coût n’empêche pas de prendre soin de sa santé en mangeant.
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de mai 2022.
Photo : Les membres du jardin partagé en plein travail. © Jean-Christophe Pisson