Du 1er au 12 novembre, une délégation d’ATD Quart Monde a participé à la COP26 à Glasgow, en Écosse. Son objectif était de s’assurer que les plus pauvres ne soient pas les oubliés des négociations sur le climat.
Bien que les personnes les plus pauvres soient les moins responsables du changement climatique mais les premières impactées, la COP26 n’a pas tenu sa promesse de les inclure correctement dans les négociations. Par exemple, pour des raisons de difficultés d’accès au vaccin, aux visas ou du coût du voyage et de l’hébergement, beaucoup de représentants des pays les plus pauvres n’ont pas pu faire le déplacement.
Même pour les personnes ayant réussi à venir et malgré le statut d’observateur accordé à une centaine d’organisations non gouvernementales, seul un petit nombre de délégués ont été autorisés à entrer dans les salles de négociations, ceci rendant leurs voix difficilement audibles. Face à cela, les accréditations délivrées à des participants ayant des intérêts liés aux énergies fossiles ont été plus nombreuses que n’importe quelle délégation nationale.
La COP “la plus exclusive” : un défi pour la participation des plus pauvres
Pendant ces deux semaines de négociations, les délégués ATD Quart Monde ont rencontré ministres, représentants d’institutions et d’associations. Ils ont rappelé sans relâche la nécessité d’intégrer la lutte contre la pauvreté à la lutte contre le changement climatique, et la nécessité de concevoir les politiques et programmes de transition à partir de l’expérience des plus pauvres, afin que les projets mis en œuvre ne se retournent pas contre eux.
Au Sénégal, par exemple, une mesure a été mise en place en 2016 pour interdire l’utilisation de sachets plastiques et les remplacer par des sachets biodégradables. Cette mesure peut paraître louable, mais ces sachets plastiques sont le seul moyen pour toute une partie de la population d’accéder à l’eau potable à un prix raisonnable. Cette mesure les pénalise, car les sachets sont plus chers, plus fragiles et cette population n’a toujours pas accès au réseau d’eau potable.
En prenant des décisions sans consulter ceux qui ont déjà le plus difficilement accès aux droits fondamentaux, toute une partie de la population risque d’être pénalisée, même par des mesures bien intentionnées, nous confiait Elhadji, un ami d’ATD Quart Monde investi dans la transition écologique à Dakar. Par contre, il témoignait aussi que des audiences populaires ont permis à sa ville de construire sa stratégie durable face aux inondations de plus en plus fréquentes dans un de ses quartiers.
Nous ne pouvons permettre que la transition écologique devienne un prétexte pour une fois encore exclure les plus pauvres. Cette transition est essentielle, urgente, et doit permettre l’amélioration des conditions de vie de ceux qui souffrent déjà le plus des impacts des changements climatiques.
Un accord qui mentionne timidement les droits humains et la lutte contre la pauvreté
L’accord de Glasgow a le mérite de révéler au grand jour les mécanismes qui contribuent aux changements climatiques et environnementaux, mais les mesures prises révèlent également la faiblesse des engagements des États du Nord envers ceux du Sud. La justice climatique est évoquée, mais loin d’être mise en œuvre alors qu’elle est impérieuse et urgente.
Il y a une semaine, Alain, un militant Quart Monde suisse disait : “La question écologique, cela me fait très peur. J’ai l’impression que l’on va encore être plus pauvre. Plus on va faire des choses sur le climat, plus on va amener la pauvreté. Il faut donner la dignité de vie à tout le monde. Pour moi le combat c’est d’amener cette vision de donner un équilibre planétaire.”
En 2015, l’Accord de Paris prévoyait déjà que l’action climatique contribue à l’élimination de la pauvreté et au respect des droits humains. ATD Quart Monde se réjouit que le texte de l’accord de Glasgow cite à plusieurs reprises la nécessité de prendre en compte l’élimination de la pauvreté et que l’article 52 de l’accord reconnaisse “la nécessité d’assurer des transitions justes qui favorisent le développement durable et l’éradication de la pauvreté, ainsi que la création d’emplois décents et de qualité…”
En revanche, ATD Quart Monde regrette fortement que cela reste encore des intentions sans traduction concrète dans les actes, tant dans les pays du Nord que dans les pays du Sud.
Il est maintenant attendu que les États passent aux actes en inscrivant dans les lois nationales des mesures qui intègrent la lutte contre la pauvreté à la lutte contre le changement climatique. Ceci nécessite la participation des plus pauvres à l’élaboration et au suivi des plans, programmes et projets nationaux et locaux (climat, mobilité, construction, urbanisme, qualité de l’air, risque, gestion de l’eau).
Pour éviter que les communautés et les personnes les plus vulnérables soient davantage impactées, ATD Quart Monde veillera à ce que la mise en œuvre de l’accord de Paris soit fondée sur les droits humains et atteigne en priorité les 20% les plus pauvres.
En lien avec l’article 52 de l’accord de Glasgow, ATD Quart Monde appelle à ce que soient effectivement assurées dans tous les États des transitions justes qui favorisent le développement durable et l’élimination de la pauvreté.
La justice sociale et environnementale ne sera mise en œuvre que si l’action climatique est une opportunité pour éliminer la pauvreté. Non à l’apartheid climatique !
Pour en savoir plus, téléchargez la note de position d’ATD Quart Monde.
Photo : Aria Ribieras et Céline Caubet, volontaire en découverte du volontariat, déléguées d’ATD Quart Monde à la COP26 à Glasgow, aux côtés de Pierre Klein et Herman Van Breen. © ATD Quart Monde