Dans plusieurs groupes locaux, des membres d’ATD Quart Monde se mobilisent pour faire en sorte que « tout le monde avance, même ceux qui sont marginalisés ».
Depuis huit ans, des membres de l’équipe d’ATD Quart Monde à Marseille suivent les familles roms de squat en squat, au gré des expulsions. Leur présence chaque samedi, quel que soit le temps, leur a permis de tisser des liens de confiance avec les familles. Toute l’équipe se mobilise pour les associer aux négociations avec les institutions dans le cadre de la politique de résorption des bidonvilles. “Nous avons mené une enquête auprès des parents pour savoir ce qu’ils souhaitaient. Beaucoup ont exprimé leur peur d’être rejetés ou menacés s’ils étaient relogés en appartement”, détaille Guillemette, alliée du Mouvement.
Aux côtés des autres associations présentes dans les squats, “ATD Quart Monde porte la nécessité de faire en sorte que tout le monde avance, même ceux qui sont marginalisés, qui pourraient être ignorés. Il est important de ne pas parler qu’avec le chef du squat, par exemple, mais d’avoir toujours le souci de ceux qui restent derrière”, précise-t-elle.
Élan de solidarité
Ce même souci anime les membres de la Bibliothèque de rue de Bordeaux, qui s’installaient depuis 2019, tous les samedis, sous un arbre du squat de la “Zone libre”. En février dernier, ils ont assisté, “complètement impuissants”, à l’expulsion de ce lieu où vivaient 80 familles. Alors que beaucoup d’habitants du squat travaillaient ou étaient scolarisés dans les environs, seules des solutions d’hébergement d’urgence temporaires, souvent éloignées de Bordeaux, leur ont été proposées.
Face à cette situation, Fabienne, alliée d’ATD Quart Monde, a constaté un élan de solidarité. “De nombreuses personnes ont hébergé ces familles, beaucoup d’enseignants se sont mobilisés pour les enfants. C’est une touche d’optimisme dans ce moment difficile”, se souvient-elle. Elle-même a choisi d’accueillir, pendant quelques semaines, une famille présente en France depuis sept ans. “Ce fut une expérience très riche.”
Grâce à sa proximité avec les habitants du squat, l’équipe d’ATD Quart Monde a réussi à garder des liens avec un grand nombre d’entre eux. Une nouvelle Bibliothèque de rue a été mise en place à Darwin, lieu alternatif de Bordeaux, où certaines familles ont été relogées. “Les enfants étaient tellement heureux de nous revoir. Pour eux, nous sommes comme des taties. Cela dépasse le cadre de la simple lecture du livre”, détaille Fabienne.
Changement de regard
Militant Quart Monde à Colmar, Jordan, 23 ans, a quant à lui changé de regard sur les personnes fuyant leur pays pour venir en France. “Je pensais que les migrants venaient pour avoir un toit et à manger. C’était déjà plus que ce que j’avais moi”, explique-t-il. Mais, au sein du groupe jeunes, il apprend à connaître un autre membre, dont la demande d’asile a été rejetée et qui se retrouve sans domicile.
“J’ai compris qu’on était tous les deux dans une galère. Tout ce qu’il voulait, c’était travailler, payer des impôts et être regardé comme les autres jeunes.” Lui qui connaît bien la ville appelle toutes ses connaissances, sans succès. “J’ai voulu l’aider comme je pouvais, mais je n’ai pas trouvé de soutien. J’aurais aimé faire plus”, affirme le jeune homme, frustré par la situation. Mais cette rencontre a définitivement changé son jugement sur “les galères des autres, qu’ils soient Français ou non”. Julie Clair-Robelet
Cet article est issu du Journal d’ATD Quart Monde de novembre 2021.
Photo : La Bibliothèque de rue dans un squat de Marseille. © M. Lemaire