Dix jours après l’annonce d’un reconfinement, les membres d’ATD Quart Monde témoignent, expriment leurs inquiétudes et leurs espoirs.
Dans son appartement de Feyzin, près de Lyon, Béatrice, militante Quart Monde, tourne en rond. “Je n’aime pas être enfermée, je le vis mal, surtout qu’on ne sait pas combien de temps cela va durer. C’est difficile quand on est plusieurs dans un petit espace”, affirme-t-elle. Pour Martial, son fils, ce confinement ne change pas grand chose. “J’ai l’habitude d’être confiné dans ma chambre.” Il constate tout de même que cela risque de compliquer sa recherche d’emploi et d’appartement. “C’est la galère pour trouver, ça c’est habituel, mais cela risque d’être encore plus difficile”, craint-il.
À quelques kilomètres de chez eux, Steve, militant Quart Monde de Saint-Étienne, “n’a vu aucun changement depuis l’annonce du confinement ». Livreur, il estime “qu’il y a toujours autant de monde dans les rues” et se demande “si on est vraiment confiné”.
Françoise, militante Quart Monde de Bordeaux, vit pour sa part “beaucoup mieux ce deuxième confinement moins strict”. Installée chez sa filleule, elle trouve qu’elle est “mieux entourée” et en profite pour “prendre des cours d’anglais” en visioconférence.
“Un sentiment d’injustice”
La situation est cependant “beaucoup plus difficile à vivre moralement” pour certains militants Quart Monde, comme Nathalie, à Dijon. “On voit tellement de gens qui ne respectent pas le confinement. Si on le respecte, on a l’impression que ce n’est qu’une goutte d’eau face à l’indifférence générale, cela paraît aberrant. C’est un fardeau un peu pesant”, témoigne-t-elle. Très engagée dans le monde associatif, Nathalie constate que “toutes les activités se sont arrêtées”. Elle ressent “un sentiment d’injustice : c’est une catégorie de personnes qui doit respecter le confinement, alors qu’autour d’elles, beaucoup ne le respectent pas. Il y a un confinement des riches et un confinement des pauvres, ceux qui sont couverts par leur employeur ou qui peuvent payer l’amende, et les autres”.
Le constat est proche chez Edith, militante Quart Monde de Perpignan. “C’est injuste, car ce ne sont que les personnes âgées et les chômeurs qui sont vraiment confinés.” Elle vit, elle aussi, cette période “beaucoup moins bien que le premier confinement”. Elle remarque autour d’elle “une très mauvaise ambiance. Beaucoup de personnes sortent sans masque, il y a une sorte d’insouciance pas sereine. Il devient difficile de discuter, les gens parlent beaucoup de complots, diffusent de fausses informations. On ne retrouve pas la générosité et la solidarité du premier confinement, ce n’est pas une période positive. Le téléphone ne sonne plus”, regrette-t-elle. Edith souligne également que “cela commence à être compliqué pour manger. Les prix ont flambé. Avant, j’allais régulièrement chez des amis qui me proposaient de déjeuner avec eux, mais cela devient difficile”. Dans cette situation tendue, elle craint pour l’avenir, a peur de “la grogne sociale, qui risque de devenir très forte”.
Edith parvient cependant à pointer un aspect positif de ce confinement : “Au moins, j’ai du temps pour préparer l’entretien d’embauche que je dois avoir”. Mais la crainte reprend rapidement le dessus, car elle se demande si cet entretien aura bien lieu et surtout si le poste sur lequel elle postule sera bien créé. Cette peur est également celle de plusieurs jeunes militants d’ATD Quart Monde, qui ont vu leurs promesses de stages s’envoler avec le reconfinement et, avec elles, de possibles opportunités d’emplois.
Les constats des volontaires permanents
De nombreux volontaires permanents d’ATD Quart Monde font également part d’un “stress ambiant” et “d’inquiétudes par rapport aux messages et injonctions contradictoires” entendues dans les médias. Certains soulignent par ailleurs que la fermeture des établissements scolaires aux parents, notamment en école maternelle, peut compliquer les liens entre parents et enseignants. Une évolution est néanmoins notable, ils ne constatent pour l’instant “pas de rupture de droits en termes de droit de visite pour les enfants placés, contrairement au premier confinement”.
À Dole, l’équipe de volontaires permanents, composée de Nathalie, Denis, Pénélope, Charlène, Martin et Anne, souligne cependant que, lors des dix premiers jours du confinement, tout a semblé “plus simple” qu’au cours de la première période, car les structures comme le centre socio-culturel, le Centre communal d’action sociale, l’accueil de jour, etc. sont restées ouvertes.
Le confinement engendre toutefois certaines difficultés. Dans une petite ville du Jura, une médecin généraliste a ainsi fermé ses portes, “car elle est trop âgée pour ouvrir ses consultations et il n’y a pas de remplaçants”. Certains habitants soulignent en outre qu’il est “difficile de se soigner à cause de la Covid et qu’il n’est pas possible de prendre un rendez-vous chez un spécialiste depuis des mois”.
Même si les institutions comme Pôle emploi demeurent ouvertes sur rendez-vous, des situations restent compliquées : “un père de famille n’a pas reçu ses papiers de la part de son ancien employeur. Il a besoin de ces papiers pour pouvoir faire une demande de RSA, mais ce n’est pas la priorité en ce moment, donc il ne reçoit rien”, témoigne l’équipe de Dole.
Actions solidaires
Si Edith, à Perpignan, souligne que “l’esprit de groupe” du premier confinement a disparu, plusieurs actions solidaires ont néanmoins vu le jour à Dole, comme en mars dernier. Les membres de la coloc’action ont créé “une dizaine de petites cartes avec des messages sur le thème du sourire” et les ont distribuées dans leur immeuble. “Le but de cette carte est de dire que l’on pense les uns aux autres, d’apporter une petite pensée positive, de maintenir le lien, et d’encourager les autres à faire une chose dans ce sens s’ils le souhaitent”, détaille Charlène.
Dans leur immeuble, Nathalie et Denis ont quant à eux distribué “des bouteilles de jus de pommes de la Bise, une manière d’être solidaire de ce qu’il se passe en ce moment, que ce soit la Covid ou les attentats”. Les habitants continuent en outre à partager entre eux plats, gâteaux et petites attentions à ceux qui en ont besoin. “Cette solidarité de voisinage ou familiale est toujours forte, qu’il y ait confinement ou pas », précise Nathalie.
La plupart des militants Quart Monde attendent cependant avec impatience de savoir quand ils pourront “reprendre une vie normale” et ne se montrent pas vraiment optimistes pour les prochains mois, ni pour la conjoncture nationale ni pour leur situation personnelle.
Pour témoigner et nous raconter comment vous vivez cette période de confinement, n’hésitez pas à nous contacter par mail à :
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